Résumé : La délivrance tardait, et Samir, de plus en plus inquiet, ne cessait de demander des nouvelles de sa femme. Un médecin le rassure. La douleur est un passage obligé dans son cas. Mais le temps avançait et rien ne se produisait. Après plusieurs heures d'attente, on opte pour une césarienne. Samir s'était approché d'Ilhem et avait tenté de lui adresser quelques paroles rassurantes. Mais la jeune femme ne l'entendait pas. Elle avait les traits tirés, les lèvres sèches et scellées et son teint avait viré au gris. -Ne trouvez-vous pas qu'elle est trop mal en point pour une intervention chirurgicale ? demande-t-il d'une voix tremblante au chirurgien. -Elle est fatiguée mais nous n'avons plus le choix. Nous devons opérer en urgence pour la délivrer. Il tente de rassurer Samir en ébauchant un sourire de circonstance : -Rassurez-vous, l'opération ne prend que quelques minutes. Un quart d'heure au plus. Nous avons vu des cas bien pires. Loin d'être rassuré, Samir se met à faire les cent pas dans le couloir. Il avait un mauvais pressentiment. Si Ilhem s'en sort, il reprendra en main toute la situation. Il reconnaîtra les enfants et la forcera à officialiser leur union. Il mettra Mordjana devant le fait accompli, et tant pis si cela va causer quelques désagréments. Il soupire. Depuis qu'il avait appris la grossesse d'Ilhem, sa vie avait basculé. Il savait que plus rien ne serait comme avant. Ce soir, il a eu la surprise d'apprendre qu'elle était enceinte de jumeaux. Un paradoxe pour lui qui n'arrivait pas à enfanter depuis des années ! Mordjana ne va pas accepter cette réalité, et pourra frôler encore une fois la dépression. "Mon Dieu. Mon Dieu. Qu'ai-je fais de ma vie ?" Il se rassoit sur un banc et se prend la tête entre les mains. Les minutes s'égrenaient. Il jetait un coup d'œil à sa montre à chaque seconde. Il avait l'impression que le temps s'était arrêté. Les aiguilles de sa montre refusaient d'avancer. Cela fait environ cinq minutes qu'on avait commencé à opérer Ilhem. Le monde n'existait plus pour lui. Les gens traversaient le couloir, discutaient, riaient, prenaient des cafés ou se bousculaient, mais il ne les voyait pas. Son téléphone se met à vibrer. Il avait totalement oublié d'appeler Mordjana, et cette dernière avait dû se faire un sang d'encre. Plusieurs appels s'affichaient sur l'écran du portable. La jeune femme avait tenté de le joindre toute la journée. Il décroche rapidement : -Allô Mordjana... -Samir ? Où étais-tu donc passé de la journée ? Je n'ai pas cessé de t'appeler depuis ce matin. Que se passe-t-il ? Tu n'es pas malade j'espère ? -Non. Rassure-toi. J'ai égaré mon portable. -Comment ça ? -Je n'en sais rien. J'ai eu une journée bien chargée. Et ce n'est que maintenant que j'ai pu me libérer. Je me suis alors rendu chez l'opérateur mobile pour récupérer ma puce. Voilà pourquoi tu n'as pas pu me joindre. Un silence tombe entre eux durant quelques secondes, puis Mordjana demande : -Tu es sûr que tout va bien ? -Oh oui ! Tout va bien, ne t'inquiète pas. Comment va ton grand-père. -Son état est toujours stationnaire. Amir ne cesse de le taquiner, et il semble apprécier. Il déglutit : -Amir va bien ? -Il se porte comme un charme. -Quand rentrez-vous tous les deux ? Si tout va bien, dans deux ou trois jours. -Parfait. Je me demandais justement si tu n'avais pas oublié que tu avais un boulot. -Je n'ai pas oublié mon boulot. Mais ce qui me préoccupe le plus c'est toi. -Moi ? Pourquoi donc ? Il l'entendit soupirer : -Ah ! Samir ! Je m'en veux à mort de te laisser ainsi livré à toi-même. Je suis une mauvaise épouse. Il déglutit encore avant de répondre : -Je ne suis pas livré à moi-même. Je suis assez grand pour me prendre en charge, tu le sais bien. -Une bonne épouse ne doit pas laisser son mari seul aussi longtemps. -Bah ! Je ne m'en plains pas trop. Ton grand-père avait le plus besoin de toi près de lui. -Certes, mais cela a assez duré maintenant. Je dois rentrer chez moi. -Comme tu veux Mordjana. Préviens-moi à l'avance afin que je puisse te récupérer à l'aéroport. Ils raccrochèrent, et le jeune homme prend un mouchoir pour s'essuyer le front. Il avait chaud, et ses vêtements lui collaient au corps. Il se sert un grand verre d'eau qu'il boit d'une seule traite et se rassoit. Pas pour longtemps cependant. Une infirmière s'approchait à grands pas de lui, et il se lève pour aller à sa rencontre et demande d'une voix tremblante : -Tout va bien pour ma femme madame ? (À suivre) Y. H.