Alger a marché, hier, pour la libération du jeune écolier Amine, ravi mercredi dernier alors qu'il se rendait à son école. Cinq jours après sa disparition, ses parents sont toujours sans nouvelles. Révoltés, ils ont décidé d'investir la rue pour interpeller à la fois les autorités sur la sécurité des personnes et la conscience nationale. Cité du 11-Décembre, Dely Ibrahim. Il est 11h30. Devant le domicile des parents d'Amine Yarichène, une ambiance de deuil. Dans un silence trahissant une douleur profonde, de grande consternation, mais aussi d'espoir de voir Amine revenir sain et sauf chez les siens, des jeunes se sont attelés à préparer une marche populaire pour exiger la libération de l'écolier âgé de 7 ans à peine, ravi aux siens, mercredi dernier, alors qu'il allait à l'école. À midi, des amis de la famille, des proches, des voisins et autres connaissances de Mohamed Yarichène, le père, arrivaient sur les lieux pour témoigner de leur solidarité et compassion à la famille de l'otage. Epuisé par la longue attente, un jeune cousin d'Amine, révolté, raconte : "Trouvez-vous normal que des gens sans scrupule jouent avec les sentiments de la famille ? Ils appellent à minuit et bien tardivement, au numéro que nous avons communiqué à la presse, pour nous faire croire qu'Amine est au bout du fil ?" Et d'enchaîner : "Des Facebookers criminels vont jusqu'à nous accuser d'avoir accepté la demande de rançon alors que nous n'avons été contactés à aucun moment par les ravisseurs ? Je suis révolté !" Adossé au mur de son domicile, le père d'Amine peine à parler. Des femmes et des enfants arrivaient sur les lieux pour exprimer leur solidarité et leur soutien à la famille. Il y a même des écoliers qui ont préféré rester sur les lieux du kidnapping plutôt que de retourner en classe l'après-midi. Treize heures tapantes, une marée noire brandit des banderoles et des portraits du petit Amine. D'anciens joueurs de la JS Kabylie, dont Aziz Benhamlat et Farouk Belkaïd, d'anciens dirigeants du Mouloudia d'Alger, à l'instar d'Omar Ghrib, et des personnalités sportives se sont jointes à cette journée de colère et de protestation, une première à Alger, contre les kidnappings. Sur les banderoles, on pouvait lire : "Tous Amine", "Où est la sécurité ?", "Non aux kidnappings" et "Libérez Amine". Le regroupement s'est ensuite mué en marche populaire. L'autoroute a été bloquée à la circulation dans les deux sens. La marche a failli dégénérer quand les manifestants quittent la Cité du 11-Décembre pour rallier la route nationale congestionnée par la circulation automobile. Le premier dispositif de police est vite dépassé. La tension est montée d'un cran quand un officier de police a menacé de procéder aux interpellations, notamment l'oncle d'Amine qui criait : "Où est l'Etat ? Où est la sécurité de nos enfants ?" Le ras-le-bol Arraché aux policiers qui tentaient de l'appréhender, il est aussitôt entouré de jeunes universitaires qui descendaient des bus. Ces derniers prennent le relais et font avancer la marche. La solidarité est entière. "C'est un élève de 7 ans qui est kidnappé. Nous sommes tous concernés !", criait une dame depuis la fenêtre d'une banque. Un important renfort arrive et quadrille le rond-point attenant à la cité universitaire de Dely Ibrahim pour empêcher la marche d'avancer. Au même moment, des centaines de portraits d'Amine sont distribués aux automobilistes et aux commerçants. Ces derniers n'hésitent pas à rejoindre, eux aussi, la marche. Certains ont même abandonné leurs véhicules au milieu de la chaussée pour crier leur ras-le-bol à surveiller matin et soir les abords des écoles pour faire face aux pédophiles, aux vendeurs de drogue et de psychotropes et autres maîtres chanteurs. Il est 13h30, des dizaines de policiers arrivent et tentent d'interpeller le père d'Amine. La situation dégénère très vite et un violent accrochage oppose marcheurs et forces de l'ordre. N'était l'intervention de sages parmi les organisateurs, la situation aurait dégénéré. D'autant que les parents d'Amine ne cessent de marteler : "Pourquoi l'enquête n'avance-t-elle pas ?" "Où étiez-vous quand ils ont pris Amine ? Que faites-vous pour protéger nos enfants ? Arrêtez votre carnaval et allez chercher le petit Amine !", lance un sexagénaire, retraité de son état. Les policiers appellent, une nouvelle fois, des renforts pour barricader le rond-point d'Aïn-Allah. Là aussi, des dizaines de jeunes en colère rejoignent la marche et foncent sur les policiers dont le cordon cède. À 14h, des centaines de manifestants reforment leurs carrés et bloquent l'autoroute de Ben Aknoun-Zéralda dans les deux sens. Dépassés par le nombre de marcheurs, les policiers tentent de calmer le jeu. Hélas ! Les marcheurs seront encore plus révoltés par deux mauvaises nouvelles qui venaient juste de tomber. Une jeune fille échappe à ses ravisseurs à Zéralda à cause d'une dette impayée par son père et une autre est kidnappée à Ouargla devant le regard impuissant de son compagnon. À 14h10, et au moment où les policiers croyaient que les protestataires allaient se disperser, la marche prend un nouveau tournant. Révoltés par l'absence des autorités locales, à commencer par les élus, les parents d'Amine décident d'investir le siège de l'APC. Ils ont tenté d'escalader les murs de l'Assemblée populaire communale pour accrocher les banderoles et pour interpeller les élus locaux sur leur insouciance face à ce drame. "Nous avons élu des bras cassés. Ils ne daignent même pas rejoindre une marche populaire. C'est grave. Nous avons l'impression qu'ils n'ont pas d'enfants". À 14h50, les marcheurs quittent les lieux dans le calme. Au final, aucune interpellation n'a été opérée et le message est passé. Contactée par téléphone par nos soins, la maman d'Amine prie pour que son fils revienne sain et sauf. Elle lancera un message : "SVP, faites quelque chose pour que mon fils Amine revienne. C'est un enfant sage et intelligent. Faites quelque chose SVP !" Choquée et exténuée, notre interlocutrice tient à "remercier tous ceux qui se sont solidarisés pour réussir la marche pour libérer Amine. Dieu merci, cela s'est passé dans le calme. SVP, libérez Amine !" F. B.