L'inattendue victoire du Parti pour la justice et le développement (AKP) aux législatives turques anticipées de dimanche remet sur selle Recep Tayyip Erdogan, lequel, à la faveur de cette majorité retrouvée au Parlement, peut mettre en branle ses réformes. Celles-ci visent essentiellement à renforcer ses prérogatives de président, qu'il jugeait insuffisantes jusque-là. Ainsi, Erdogan, 61 ans, a pris une revanche éclatante après le retentissant revers du 7 juin dernier, qui avait vu son parti perdre le contrôle total qu'il exerçait depuis 13 ans sur le Parlement. Désormais, il peut relancer son projet de "super présidence", mis temporairement au placard. Hier, il se préparait à former un gouvernement après la victoire écrasante de l'AKP, avant d'entamer les réformes à même de mettre tous les pouvoirs entre ses mains. Patient, Erdogan a laissé passer l'orage, car durant les deux dernières années, il était devenu le personnage le plus critiqué de Turquie, et dénoncé pour sa dérive autocratique et islamiste. L'assaut spectaculaire lancé cette semaine par la police sur deux chaînes de télévision proches de l'opposition n'a fait que renforcer l'inquiétude de ceux qui, comme le chef de l'opposition Kemal Kiliçdaroglu, l'accusent de vouloir "rétablir le sultanat". Son penchant pour le luxe, matérialisé par le gigantesque et extravagant palais de 500 millions d'euros, dans lequel il a emménagé il y a un an, est devenu le symbole de sa "folie des grandeurs". Il n'en demeure pas moins qu'il a réussi à démentir tous les pronostics, et son parti l'AKP s'est largement imposé en raflant 49,4% des suffrages, soit une majorité absolue de 316 des 550 sièges du Parlement, selon les résultats définitifs rendus publics dans la nuit de dimanche à hier par les chaînes d'information locales. Symboliquement, Recep Tayyip Erdogan a célébré son succès hier matin par une prière à la mosquée d'Eyup, comme le faisaient les nouveaux sultans de l'Empire ottoman. Mais l'opposition turque ne cache pas son inquiétude de ce retour en force d'Erdogan. "C'est la victoire de la peur", a titré hier le quotidien Cumhuriyet, fer de lance de la critique du régime turc. "Personne ne doit se considérer au-dessus des lois", a mis en garde dès dimanche soir le chef du parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), Kemal Kiliçdaroglu, appelant le pouvoir à "respecter la suprématie du droit". M.T.