Souvent, la notion de leader est comprise comme réservée au top management. En réalité, comme en sport, la force du leadership n'est effective que si on la déploie en impliquant l'ensemble des managers de l'entreprise. On cite souvent le mot de John P. Kotter, le célèbre professeur de Harvard Business School, proclamant qu'on devrait "créer 100 millions de nouveaux leaders". Il voulait dire par là que le leadership n'est pas être l'apanage des seuls dirigeants de l'entreprise. Au contraire, il faut mettre en place une "cascade de leadership" allant du top management aux niveaux les plus profonds de la hiérarchie. Tant il est vrai que le leadership est avant tout une relation entre un manager et ses collaborateurs. Cette réalité gagnerait à être prise en compte quand les entreprises engagent des programmes de formation au leadership. Pour que ces programmes apportent de la valeur ajoutée, il faut impliquer l'ensemble du management de l'entreprise. Et d'adopter pour cela une démarche "top-down" : commencer par le top management et descendre progressivement vers les autres managers. Car seule une démarche top-down permet de crédibiliser le processus : en effet, les principes de leadership ne pourront être mises en œuvre avec efficacité que si les dirigeants font preuve d'exemplarité en les appliquant les premiers. Mais la formation ne suffit pas à elle seule pour promouvoir les principes de leadership dans l'entreprise. Dans un article paru en 2004 dans la revue Strategy & Business éditée par le cabinet Booz & Company (1), Marshall Goldsmith et Howard Morgan, deux consultants et auteurs d'ouvrages sur le leadership, synthétisent les résultats de leur étude de l'évaluation des programmes de formation au leadership de huit grandes entreprises américaines. Quelles leçons essentielles tirent-ils de leur recherche ? La première, c'est qu'à l'instar du monde du sport, on ne peut développer ses aptitudes de leadership qu'en le pratiquant sur le terrain. À ce propos, ils citent Arnold Schwarzenegger déclarant que "personne ne peut développer sa musculature simplement en me regardant". L'analogie avec l'exercice physique est en effet très instructive. Ce n'est pas en écoutant un discours sur l'importance de l'exercice et en visionnant des vidéos qu'on peut développer ses capacités physiques. De même, ce n'est pas en assistant à des séminaires de leadership et en lisant les meilleurs ouvrages écrits sur la question qu'on devient un leader. L'autre leçon importante tirée par Goldsmith et Morgan, c'est qu'on ne peut développer ses capacités de leadership qu'en interaction avec ses collaborateurs. Le leadership n'est donc pas un exercice solitaire. C'est seulement en jaugeant en permanence nos comportements vis-à-vis des personnes qui nous entourent que nous pouvons apprécier nos aptitudes de leadership et les améliorer. C'est ce qui fait dire aux auteurs que le leadership est un sport de contact. Comment faire pour que ce sport de contact produise des résultats ? Deux directions de progrès sont proposées par les auteurs : le follow-up des programmes de formation et le coaching. Le follow-up, qu'on appelle parfois l'évaluation à froid, ne se limite surtout pas au renseignement d'une fiche d'évaluation ! Il consiste au contraire à impliquer les managers qui ont suivi la formation dans une démarche réflexive sur leurs pratiques managériales en y incluant aussi bien le regard de leurs collaborateurs que de celui de leurs responsables. Le coaching quant à lui, qui peut être interne à l'entreprise ou confié à un coach externe, est un moyen supplémentaire pour appuyer les efforts des managers dans le développement de leurs talents de leadership. Et il peut être utilisé par l'ensemble des managers, y compris les patrons ! Plusieurs études ont montré que les entreprises qui investissent dans le développement du leadership voient une amélioration sensible de leurs performances (2). L'auteur de ces lignes a pu le vérifier directement dans un programme de ce type auquel il a contribué dans une grande entreprise algérienne. Le taux d'atteinte des objectifs y a connu un bond significatif dès l'achèvement des premières promotions de managers impliqués dans le programme. Il faut préciser que des ingrédients critiques du succès étaient réunis : un PDG largement ouvert aux approches modernes du management, l'adoption d'une approche top-down pour conduire le programme incluant l'ensemble des managers et l'existence d'une DRH forte. Précisons qu'il s'agit d'une entreprise publique ! S. S. 1. Strategy & Business. August 25, 2004 /Fall 2004/Issue 36. 2. Cf. Leading the Way: Three truths from the top companies for leaders. Marc Effron & Robert Gandossy. John Wiley & Sons.