Le projet de loi de finances 2016, voté dans des conditions troubles hier à l'APN, est si controversé que toute l'opposition parlementaire s'est liguée pour le dénoncer. Quatre groupes parlementaires (PT, FFS, AAV, FJD, MCN) et plusieurs députés sans attaches partisanes ont dénoncé, dans un communiqué rendu public à l'issue du vote, un projet dans lequel se sont ingérés les hommes d'affaires et le pouvoir de l'argent et qui vise à appauvrir le citoyen. "Ce projet (PLF 2016, ndlr) couronne l'intervention des hommes d'affaires et du pouvoir de l'argent dans sa confection et pousse à l'appauvrissement du citoyen qu'il éprouvera à travers les impôts et les taxes, notamment sur l'énergie qu'il institue. Il institue, également, la privatisation de l'Etat, après la privatisation du pouvoir. Il remet en cause le caractère social de l'Etat. Nous considérons aussi que l'environnement institutionnel opaque actuel ne permet pas une politique économique efficiente", dénoncent les signataires du communiqué qui, par ailleurs, estiment que les péripéties, par lesquelles est passé le fameux article 71, participent d'une ruse visant à éviter les amendements de l'opposition. "Le scénario de l'abrogation de l'article 71 dans le rapport préliminaire de la commission des finances et du budget et sa réintroduction dans le rapport complémentaire est fait pour empêcher que les députés ne proposent des amendements à ce sujet et prouve la suprématie de l'Exécutif sur le législatif, ce qui ne travaille pas à la séparation entre les deux pouvoirs et viole le règlement intérieur de l'Assemblée." L'opposition parlementaire, il est évident, se démarque et s'innocente de ce projet de loi de finances. "On s'innocente du PLF 2016 et de l'opération de piraterie qui s'est produite au niveau de la commission des finances et du budget lors de l'étude des amendements par les délégués du gouvernement et des délégués des hommes d'affaires parmi les députés. Nombre de députés ont quitté les travaux de la commission à cause des pressions et de la ‘baltaguia' qu'ils ont subie", soulignent-ils encore, dénonçant, en outre, "le comportement du bureau de l'APN qui a refusé les amendements relatifs aux augmentations qui touchent directement la poche des citoyens", mais aussi "la falsification du rapport complémentaire de la commission, notamment les articles 2, 4 et 6 vidés de leur contenu au profit du gouvernement et des hommes d'affaires". Risques sur le front social, selon Ennahda Le parti islamiste Ennahda a, de son côté, réagi au vote du projet de loi de finances 2016. Tout comme l'opposition parlementaire, il dénonce une "injustice" faite au peuple, à travers ce projet qui vise à le contraindre à faire les frais d'une crise dont il n'est pas responsable. "Le vote du projet de loi de finances sans réels changements est synonyme d'entame d'une période de soudure entre deux périodes, celle de la dilapidation des deniers publics et des politiques qui en ont émané et celle annonçant l'agression contre le pouvoir d'achat des populations." Pour le parti Ennahda, ce qui s'est passé à l'APN lors du vote du PLF 2016 prouve que les parties qui gèrent les affaires du pays ne sont pas nourries à la culture de l'Etat. "Ce qui s'est passé à l'APN est une violation du droit des députés à proposer des amendements et une entrave aux missions du pouvoir législatif quant à la protection du peuple et de ses acquis", dénonce Ennahda, qui considère qu'"imposer au peuple une batterie de mesures d'austérité et une panoplie de taxes pour équilibrer le budget de l'Etat est une décision injuste". Le Pôle des forces du changement préoccupé Le Pôle des forces du changement, qui s'est réuni, hier, sous la présidence d'Ali Benflis, s'est penché, lui aussi, sur le projet de loi de finances 2016. Dans sa déclaration rendue publique, il s'est dit préoccupé par "les inévitables conséquences de la loi de finances 2016, adoptée aujourd'hui (hier, ndlr), et met en garde sur ses effets sur les conditions de vie du citoyen et particulièrement sur les couches défavorisées". À l'occasion, le Pôle a réitéré son constat de la vacance du pouvoir et a dénoncé "une pratique politique qui a muté en un pouvoir personnel totalitaire". S. A. I.