Les pays voisins de l'Irak souhaitent le retour à la stabilité politique dans ce pays, à l'issue des élections du 30 janvier, mais, à part l'Iran, ils s'inquiètent des conséquences d'une victoire annoncée des chiites, qui pourrait affecter le rapport de force régional du Moyen-Orient. Après avoir longtemps plaidé, en vain, en faveur du report de ces élections à haut risque, les pays arabes voisins de l'Irak (Koweït, Arabie saoudite, Jordanie et Syrie), ainsi que l'Egypte et la Ligue arabe se sont finalement résignés, sous l'insistance combinée des Américains et des Irakiens, à leur tenue dans les délais. Mais, outre une escalade de la violence contre les troupes de la coalition, plusieurs dirigeants arabes continuent à redouter l'évolution de l'Irak vers une “guerre civile” post-électorale, notamment entre chiites et sunnites. Ces craintes ont été exprimées notamment par le président égyptien Hosni Moubarak dans deux récentes interviews, à la chaîne américaine PBS, et à la chaîne satellitaire Al-Arabiya, basée à Dubaï. La semaine dernière, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, s'est fait l'écho des mêmes craintes lors de la session extraordinaire des ministres arabes des Affaires étrangères au Caire. Plusieurs analystes arabes estiment que “l'objectif premier” de Washington est, à travers le prochain scrutin, de “légitimer leur occupation de l'Irak”, mais, selon Al-Ahram, cette élection ne sera “ni légitime, ni crédible, ni démocratique”. L'ancien ministre des Affaires étrangères égyptien Ahmed Maher qualifie de “suspecte (...) l'insistance des Américains et des pontes du pouvoir irakien actuel à tenir les élections dans les délais”. “C'est une affaire qui suscite la crainte et le doute sur les véritables intentions des partisans de ce scrutin”, dit-il. Pour lui, “des élections qui aboutiraient à isoler et à écarter une partie de la population (ndlr : les sunnites), pour imposer la domination d'une majorité, dont certains sont mus par la vengeance, est une affaire très grave pour la stabilité de l'Irak, dont les conséquences destructrices pourraient s'étendre à toute la région”. L'analyste égyptien d'Al-Gomhouria, Mohammed Naaman Galal, s'interroge sur “le puissant intérêt” porté par l'Iran aux élections irakiennes. Fin décembre dernier, le roi Abdallah II de Jordanie avait estimé, dans une interview au Washington Post, que l'“Iran (avait) tout intérêt à voir s'instaurer une république islamique en Irak” qui favoriserait la création d'un “croissant” chiite allant de l'Iran jusqu'au Liban, où l'influence de Téhéran, est déjà forte, notamment par l'intermédiaire du Hezbollah. Cette crainte est partagée par les pays arabes du Golfe, avec à leur tête l'Arabie saoudite, gardienne de l'orthodoxie sunnite, mais qui, comme le Koweït, compte une forte minorité chiite, installée principalement dans l'est, c'est-à-dire dans les zones pétrolières. R. I. A.