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"Les crises en Libye et au Mali prolongent l'instabilité à nos frontières"
Le chercheur en géopolitique Yahia Zoubir à Liberté
Publié dans Liberté le 20 - 12 - 2015

Le professeur Yahia H. Zoubir, spécialiste des relations internationales, est le directeur de recherche en géopolitique à Kedge Business School, en France. Dans cet entretien, il revient sur la situation au Maghreb/Sahel et les derniers développements de la question sahraouie. Il livre son appréciation sur les effets des crises libyenne et malienne sur l'Algérie, en relation avec les rivalités entre les puissances occidentales.
Liberté : Depuis 2011, la Libye est plongée dans le chaos, et depuis l'an dernier, 2 autorités politiques se disputent le pouvoir, dont l'une est reconnue internationalement. À votre avis, les conditions sont-elles réunies pour un consensus entre Libyens sur la formation d'un gouvernement d'union nationale ?
Yahia Zoubir : La Libye est un Etat failli depuis la chute du régime autoritaire de Kadhafi. Depuis 2011, les Libyens n'ont pas réussi à effectuer une phase de reconstruction et de développement post-conflit. Les autorités n'ont pas pu entreprendre une transition pour plusieurs raisons : émergence de milices bien armées, réapparition du tribalisme et du régionalisme, existence de 2 gouvernements/Parlements, l'un à Tripoli et l'autre à Tobrouk, implication de forces étrangères nuisibles, telles que les monarchies rétrogrades du Golfe, présence de Daesh favorisée par l'absence d'un Etat central dans ce pays. L'ONU a aussi échoué, car son médiateur Bernardino Léon favorisait une partie, parce qu'il travaillait étroitement avec les Emirats arabes unis qui rivalisent avec le Qatar dans le pays. Les Emirats et le Qatar soutiennent des milices opposées les unes aux autres. Arriver à un véritable consensus accepté par toutes les parties relèverait donc du miracle. Même si un accord vient d'être signé pour la formation d'un gouvernement national, les signataires l'ont fait en tant que simples membres des gouvernements respectifs et non en tant que mandataires de ces derniers. Leur représentativité et légitimité ne sont pas reconnues. On assistera inévitablement à un fractionnement des 2, mais probablement à l'émergence d'un 3e gouvernement dont les membres seront les négociateurs pour la formation d'un gouvernement d'unité nationale. La soudaineté des Etats européens pour la formation d'un tel gouvernement s'explique par leur espoir que celui-ci puisse les aider dans la lutte contre Daesh. Prenons par exemple le cas de David Cameron : l'invitation aux Anglais d'intervenir, par un gouvernement libyen d'unité nationale, lui permettrait de décider des frappes aériennes, sans passer par une autorisation du Parlement britannique. Les Etats-Unis, eux, conduisent des frappes aériennes régulièrement, et la France envisage d'en faire autant. Mais quelle force "gouvernementale" pourrait faire respecter un cessez-le-feu et/ou désarmer les milices ? Ce qui se passe en Libye, en Syrie et en Irak, pour ne citer que les plus évidents, n'est plus du ressort des forces internes souveraines, mais des forces étrangères, qui rivalisent entre elles pour défendre leurs intérêts, sans égard à ceux des pays concernés. C'est pour cela que certains patriotes libyens voient en cette recherche de gouvernement d'unité nationale un plan concocté et imposé par des étrangers... et ils n'ont pas tort.
L'accord de paix et de réconciliation au Mali, issu du processus d'Alger, est entré dans la phase de mise en œuvre. À votre avis, faut-il être optimiste ou craindre le pire à présent ?
Là encore, il est difficile d'être optimiste, car le nord du Mali, et ce, malgré l'intervention française en janvier 2014, n'a pas connu de développement notable. Les conditions socioéconomiques restent désastreuses et les terroristes n'ont pas disparu non plus. Les Touareg, comme pour le cas des Kurdes, sont divisés : leur manque d'unité et leurs accointances avec des puissances étrangères ne font que maintenir le statu quo contre les intérêts des populations touareg. En 2011, la chute du régime libyen avait aggravé la crise malienne. Certains facteurs, comme le retour des troupes touareg de Libye, l'introduction d'armes de tout genre, la corruption des officiers supérieurs maliens au nord du Mali, la présence d'AQMI, ont rendu difficile toute solution à long terme. Les parties touareg ayant des liens étroits avec des protecteurs étrangers à la région sahélienne feront tout pour saborder l'exécution de l'accord de paix d'Alger. Résultat : on assistera à la présence prolongée de la France au nord du Mali et au Mali tout court, à la survie des terroristes et donc à l'instabilité à la frontière sud de l'Algérie.
Mais alors, comment voyez-vous l'avenir immédiat du Sahel et, bien sûr, ses effets sur l'Algérie ?
Les deux crises, libyenne et malienne, et leur non-résolution ne font que prolonger l'instabilité dans la région sahélienne. Tant qu'il n'y aura pas de désarmement des milices en Libye et des forces militaires touareg au nord du Mali, ainsi que le lancement concomitant de projets de développement socioéconomiques tangibles, la situation demeurera ce qu'elle est aujourd'hui. Il y a déjà des effets négatifs sur l'Algérie, qui a mobilisé ses troupes le long de ses grandes frontières. Aujourd'hui, la crise au sommet de l'Etat algérien fait planer des dangers gravissimes quant à la sécurité et à l'intégrité territoriale du pays. Seule une succession du président sans douleur et le maintien de l'unité de l'ANP et de ses services de renseignements pourront préserver l'Algérie d'un danger aux risques incalculables.
M. Yahia Zoubir, la Cour de justice de l'Union européenne vient d'annuler, avec effet immédiat, les accords agricoles et de pêche entre l'UE et le Maroc englobant le Sahara occidental occupé. Quelles sont les retombées de ce verdict ?
Le jugement de la CJUE du 10 décembre est sans aucun doute une bonne nouvelle pour le peuple sahraoui, puisque la décision du tribunal contient des déclarations importantes sur les principes juridiques devant guider la politique étrangère de l'UE, la reconnaissance de la représentation juridique du peuple sahraoui par le Front Polisario, et les limites internationales lorsque la violation des droits humains fondamentaux pourrait être concernée. Tout cela est crucial pour l'avenir de ce territoire et de la politique étrangère de l'UE. L'autre victoire est venue des eurodéputés, ce 17 décembre. En effet, le Parlement européen a approuvé à 258 votes contre 251 l'amendement au rapport annuel de 2014 sur le Sahara occidental, sur les droits de l'homme et la démocratie, et sur la politique de l'UE en la matière. D'ailleurs, l'amendement 77 bis "demande que soient respectés les droits fondamentaux des Sahraouis, et notamment leur liberté d'association, leur liberté d'expression et leur droit de réunion ; réclame la libération de tous les prisonniers politiques sahraouis ; demande qu'un accès aux territoires du Sahara occidental soit accordé aux parlementaires, aux observateurs indépendants, aux ONG et à la presse ; prie instamment les Nations unies de doter la Minurso (Mission onusienne pour l'organisation d'un référendum d'autodétermination au Sahara occidental, ndlr) d'un mandat en matière de droits de l'homme, à l'instar de toutes les autres missions onusiennes de maintien de la paix de par le monde ; soutient un règlement équitable et durable du conflit au Sahara occidental sur la base du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui, conformément aux résolutions des Nations unies en la matière".
Malheureusement, les Etats européens, même la Suède qui, paradoxalement, étudie en ce moment la reconnaissance de la RASD, ont fait appel à la décision de la CJUE. L'alignement des Etats européens, particulièrement celui de la France et de l'Espagne, montreront les limites de l'attachement de ces Etats au droit international, à la démocratie... lorsque leurs intérêts seront en jeu. Ces démocraties soutiennent les dictatures, détruisent des pays, soutiennent des occupations et la répression des peuples et puis se posent la question quant aux origines du terrorisme ! Concernant l'Algérie, théoriquement puissance régionale et concernée directement par la question sahraouie, elle n'a pas réussi à faire fléchir la position de la France sur cette question, malgré toutes les concessions économiques qu'elle lui a accordées, sans contrepartie aucune. Le Maroc, quant à lui, demeure intouchable ; même ses tortionnaires se font remettre des médailles du mérite à Paris. Il aura suffi que le Maroc menace de punir la Suède pour son intention de reconnaître la RASD pour que celle-ci fasse marche arrière.
Une dernière question : en janvier 2016, le Secrétaire général de l'ONU a prévu une visite dans la région pour faire avancer le processus de décolonisation au Sahara occidental. Quelles sont, selon vous, les options qui se présentent à Ban Ki-Moon ?
La réponse que je donnerai est la suite logique de la réponse précédente. Les Nations unies sont responsables du blocage de la question sahraouie. En novembre 1975, la Cour internationale de justice ainsi que toutes les résolutions onusiennes depuis 1963 ont soutenu le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui. Pourtant, le référendum n'a jamais eu lieu. Peut-on alors afficher de l'optimisme, en sachant pertinemment que ce n'est pas Ban Ki-Moon qui déterminera le sort de l'ancienne colonie espagnole, mais bel et bien Washington, Paris et Londres ?
H. A.


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