Ma dernière chronique de l'année 2015 ne sera pas consacrée au bilan annuel, comme c'est le cas habituellement, mais aux effets attendus de la crise et de son traitement sur les ménages et les entreprises pour l'année prochaine. Les éléments de bilan et même d'évaluation ayant été déjà largement traités, comme vous avez pu le constater, au sein des institutions de la République et par différents think tanks et experts. Comment aborder le sujet ? D'abord, au plan instrumental, il n'y a pas que la loi de finances pour 2016 (LF 2016) qui produira des effets directs et/ou induits sur les ménages et les entreprises. Il y a aussi les politiques de change et les politiques bancaires initiées et conduites par la Banque d'Algérie, en particulier celles relatives au taux de change du dinar et au crédit à la consommation. Il y a également l'interaction avec les partenaires sociaux dont on attendait une réunion tripartite en cette fin d'année. Il y a enfin la fragmentation de la classe politique qui affaiblit sa capacité à faire consensus ou simplement une large alliance pour affronter une crise économique autant brutale que durable. Sur ce dernier point, je fais l'hypothèse probable que les prix des hydrocarbures resteront bas pour une longue période encore, mais ne descendront pas, en 2016, à un niveau tel que l'Exécutif mette en œuvre l'article 71 contesté de la LF 2016 pour maintenir le niveau de déficit prévu. De façon générale, il me semble que l'année 2016 sera marquée par une inflexion économique majeure : celle d'une sortie entamée, mais non encore assumée, d'une politique publique de la demande au profit d'une politique de l'offre, revendiquée quant à elle comme issue à la crise. Le tout est que l'atterrissage puisse se faire en douceur pour la première et le décollage réussi pour la seconde. C'est l'enjeu central de l'année prochaine, d'autant que les marges de manœuvre ultérieures pour 2017 et 2018, notamment budgétaires, seront plus étroites et donc les arbitrages plus contraints. Pour que cela se passe sans trop de tensions, il va falloir gérer correctement les effets directs et indirects des aménagements apportés sur les deux catégories économiques les plus concernées : les ménages et les entreprises. De quoi s'agit-il pour l'essentiel ? Les revenus des ménages devraient pouvoir absorber les augmentations en matière d'énergie : différenciées par paliers de consommation pour l'électricité et raisonnables, malgré tout, pour les carburants. La question qui reste cependant posée c'est celle de savoir comment les exploitations agricoles et les entreprises de transport vont anticiper et répercuter cette hausse sur les consommateurs d'autant que le processus de rationalisation du modèle de consommation énergétique ne fait que commencer. Y aura-t-il des dispositifs d'accompagnement de ces activités pour freiner ces hausses ? Dans le même ordre d'idées, et de façon plus générale, la maîtrise de l'inflation en 2016 devrait être un sujet de préoccupation à suivre de près d'autant que les pratiques spéculatives, voire prédatrices produiront probablement un effet d'amplification. Ainsi, la baisse des prix à international d'un certain nombre de biens et de services de produits importés n'est pas répercutée sur le marché national. À l'inverse, des augmentations de prix de services et produits à faible contenu d'intrants importés sont déjà perceptibles sur le marché, prétextant indûment la dépréciation du dinar. Examinons l'autre registre, celui des entreprises. La nouvelle politique publique de l'offre, pour diversifier l'économie, facilitera la démarche de substitution aux importations et l'investissement industriel. Ainsi, la LF 2016 propose un régime fiscal et douanier préférentiel pour "les industries naissantes". De plus, les promoteurs ne sont plus tenus de réinvestir leur part de bénéfice correspondant au montant des exonérations et/ou de réductions d'impôts obtenus. Sans oublier les diminutions des taux de l'impôt sur les bénéfices (IBS) et de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP) dans un contexte de forte diminution des recettes provenant de la fiscalité pétrolière. Cette diminution des recettes de la TAP aura néanmoins un impact négatif sur les finances locales, et donc sur le développement local. La prise en charge de cette problématique par l'autorisation des collectivités locales à accéder au crédit bancaire ne peut être qu'une réponse partielle pour autant que sa mise en œuvre soit aisée. Dans le même ordre d'idées, le report d'un certain nombre de projets d'infrastructures structurantes territoriales ou nationales, est préoccupant. Pour ma part je continue de croire qu'il convient de chercher d'ores et déjà, et de trouver des financements non budgétaires internes, voire externes. Pour conclure, l'année 2016 peut être une année d'une transition maîtrisée vers les réformes structurelles pour autant que les règles du jeu fixées pour amortir les effets de la crise soient respectées par tous les partenaires sociaux et qu'une flexibilité subsiste pour atténuer, le cas échéant, les conséquences négatives sur ceux de nos concitoyens qui ont les revenus les plus faibles. C'est cette posture collectivement partagée qui permettra d'aborder une année plus difficile encore celle de 2017. L'économie c'est comme le football, il faut aborder la compétition match par match mais en ayant une vision de long terme et un projet de jeu pour l'équipe. M. M.