Le maintien du budget de l'Etat à un niveau important ne veut pas dire que la crise n'est pas là Ce n'est pas avec des moyens administratifs que l'on peut préserver les grandes entreprises, mais par des instruments économiques, a-t-il dit. C'est tout bonheur qu'Abderrahmane Benkhelfa a animé hier une rencontre avec la presse autour de la loi de finances 2016, au Forum d'El Moudjahid. Le visage jovial, le ministre des Finances a d'abord présenté les grands axes de la LF en question. «L'Etat a alloué un budget de 7984 milliards de dinars dans le cadre de la loi de finances 2016. Ce budget est énorme. Ceux qui disent que l'Etat est en train de se retirer se trompent. L'Etat n'a pas reculé. On est à peine descendu du 17e au 15e étage. Les révisions sur le budget concernent les affectations, mais le budget reste très important. 550 projets en cours de réalisation et 310 projets neufs sont retenus et les transferts sociaux sont de plus de 1840 milliards de dinars,» a-t-il dit d'emblée, serein et optimiste. Seulement, ce maintien du budget de l'Etat à un niveau important ne veut pas dire que la crise n'est pas là. En effet, M.Benkhelfa reconnaît que l'Algérie fait face à une situation très difficiles après avoir perdu environ 50% de ses ressources, suite à la chute des prix du pétrole. Mais, contrairement à ce qui se dit, la LF 2016 ne vise pas à faire payer au peuple les échecs du gouvernement mais à rationaliser les dépenses. «Nous avons opéré une répartition équitable des ajustements sur les tarifs qui ont été augmentés, de sorte que les frais soient supportés par aussi bien le consommateur, l'Etat que le commerçant», a-t-il fait savoir. De plus, ces mesures visent, selon lui, à revenir progressivement vers «la valeur» car «les entreprises nationales, qu'elle soient privées ou publiques, doivent être préservées par des moyens économiques et non par des moyens administratifs». «Nous devons passer du volontarisme politique aux automatismes économiques», a-t-il recommandé. De plus, en réponse à l'opposition parlementaire qui y voit une «loi dangereuse», Abderrahmane Benkhelfa a indiqué que «la LF 2016 est une loi normale dans un contexte extraordinaire». «La LF 2016 est une loi normale dans un contexte extraordinaire. Je ne comprends pas pourquoi on y voit un danger. Il s'agit de remplacer progressivement l'investissement budgétaire par l'investissement économique en mobilisant les ressources internes (secteur bancaire, marché financier, etc.), la bancarisation de l'argent de l'informel et l'élargissement de l'assiette fiscale. Quand des difficultés financières surviennent, le gouvernement n'a que deux choix: augmenter les impôts ou élargir l'assiette fiscale. Nous, nous avons opté pour la deuxième parce que notre économie est très jeune et elle a besoin d'être encouragée», a-t-il dit en soulignant que l'Algérie compte parmi les rares pays du pourtour méditerranéen à ne pas avoir institué de nouveaux impôts et augmenté les taux d'imposition» en ce contexte de crise. Dans le même sens, citant la substitution de la fiscalité ordinaire à la fiscalité pétrolière comme un des objectifs stratégique du gouvernement, le ministre des Finances a précisé que le gouvernement, qui inscrit son action dans le moyen terme, a un cap et compte bien réussir le pari. «Pour l'année 2016, il est attendu que la fiscalité pétrolière descende à 1682 milliards de dinars et que la fiscalité ordinaire atteigne 3 064 milliards de dinars. Nous n'avons pas d'autres choix. Nous avons défini 12 secteurs où les entreprises seront exonérées d'IBS, de TAP et d'IRG durant cinq ans pour les développer», a-t-il déclaré M.Benkhelfa qui qualifie de «scénarios de pilotage les mesures volontaristes mises en place par le gouvernement tout en appelant les acteurs politiques et économiques ainsi que les citoyens à ne pas avoir peur des instruments économiques». Interrogé sur les tenants et les aboutissants de l'article 66 de la LF 2016 qui permet l'ouverture des capitaux des entreprises publiques au privé national résident, le ministre des Finances a dit que «la fiscalité pétrolière, le budget, n'est pas en mesure de financer l'élargissement et la modernisation des entreprises publiques alors que celles-ci doivent se moderniser pour pouvoir être compétitives et aller à l'international», tout en insistant sur le fait que tous les opérateurs économiques peuvent bénéficier de ces mesures et non pas, comme le laissent entendre certains, «une minorité de privilégiés» seulement. Par ailleurs, répondant à une question de L'Expression sur les limites que se fixe le gouvernement dans sa démarche de transition vers une économie de marché, le ministre des Finances s'est montré catégorique: «Notre démarche s'inscrit dans le moyen terme. Nos objectifs, c'est de retourner à la valeur. Notre cap est sur 10 ans. Toutes les mesures que nous avons prises pour le moment ne concernent que l'année 2016. Nous commençons par le volontarisme pour aller vers les automatismes. Progressivement.» Abderrahmane Benkhelfa, libéral, n'est pas moins «gramscien» dans sa démarche: il oppose parfaitement bien l'optimisme de l'action au pessimisme de la raison.