Dans un enregistrement sonore, datant d'octobre, Iyad Ag Ghali, chef d'Ansar Eddine, a menacé d'une guerre sans merci contre Bamako, l'armée française, mais aussi contre ses anciens alliés et signataires de l'accord d'Alger. La situation sécuritaire se dégrade de jour en jour dans le nord du Mali, sur fond de blocage dans la mise en œuvre de l'accord d'Alger, signé à Bamako les 15 mai et 20 juin derniers, après presque un an d'âpres discussions sous la médiation algérienne. Il ne se passe pas une semaine, en effet, sans qu'il y ait une attaque terroriste, parfois plus, dans le nord désertique du Mali, où plusieurs groupes islamistes se sont redéployés à la fin de l'été. C'était le cas la fin de la semaine dernière durant laquelle les terroristes se sont attaqués à une base de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) à Talahandak, tout près de la frontière avec l'Algérie. "Situé dans la région de Kidal, l'assaut contre ce poste par une coalition des groupes terroristes présents dans cette zone, a fait six morts et des blessés du côté du MNLA, 2 véhicules détruits avec destruction de commerces civils", a indiqué le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) dans un communiqué, précisant que "du côté des assaillants, il y a eu aussi des pertes humaines et des blessés". Selon le média associatif Studio Tamani, citant Ambéry Ag Rhissa, membre de la CMA, "il y a une escadrille de quinze pick-up qui ont attaqué le poste de la CMA le matin de bonne heure. Les quinze voitures se sont mêlées à la population. Ils ont donc utilisé la population comme une sorte de bouclier. C'était quinze véhicules lourdement armés avec des mitrailleuses et des mortiers. Après trois heures de combat, quand les éléments du poste ont vu que les assaillants se mêlaient à la population, ils ont replié". Mais la CMA a dépêché des renforts, issus principalement du MNLA qui domine dans la région de Kidal, permettant ainsi une reprise du contrôle de leur base, après que les assaillants aient pris ce qui pouvait leur être utile. Le MNLA est l'un des premiers mouvements à avoir enclenché la rébellion contre Bamako fin 2012, en compagnie d'Ansar Eddine de Iyad Ag Ghali, avant que ce dernier ne quitte le navire pour verser dans le terrorisme islamiste. Après presque trois ans de violences, ponctuées par d'âpres discussions, dont le dernier est le dialogue inclusif intermalien d'Alger, entamé en juillet 2014, la CMA a pu s'entendre avec Bamako et d'autres groupes politico-armés pro-gouvernementaux pour la mise en œuvre d'une solution négociée, sous l'égide de la communauté internationale. Mais cette mise en œuvre connaît depuis juin plusieurs couacs, ce qui a permis aux groupes terroristes, dont Ansar Eddine, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) de se repositionner et de tenter de reprendre le contrôle des routes de trafics d'armes et de drogue dans le nord du Mali. Al-Mourabitoune, nouvel allié d'Aqmi au Mali, manœuvre dans la même direction que les autres mouvements terroristes : déstabiliser le Mali et saper l'accord d'Alger qui représente pour Bamako et la CMA et la plateforme une chance inouïe pour sortir le pays de l'impasse et enterrer définitivement la hache de guerre. La prise d'otages de Sévaré et de Bamako, en l'espace de quelques semaines d'intervalle, étaient de véritables démonstrations de force de la part de ces groupes terroristes qui en ont revendiqué la responsabilité. Ce qui laisse présager le pire, surtout si l'opération de cantonnement des ex-rebelles traîne en longueur et que Bamako continue à faire preuve d'une véritable mauvaise volonté politique pour accélérer le processus de mise en œuvre de l'accord de paix. L. M.