Selon les médias, il est clair que les explications répétitives de la direction de Nidaa Tounes, notamment de Béji Caïd Essebsi, n'ont pas empêché les spéculations concernant une éventuelle alliance entre Nidaa Tounes et Ennahdha. Après l'achèvement de son calendrier électoral, la Tunisie aborde la phase de constitution d'un nouveau gouvernement. Les missions du parti Nidaa Tounes et du président Béji Caïd Essebsi, vainqueurs des élections, ne semblent pas de tout repos. «Gouverner, c'est relever les défis du moment et réaliser les promesses citées dans notre programme électoral, notamment un bon paquet de mesures urgentes pour les 100 premiers jours», commence par déclarer à El Watan Lazhar Akremi, porte-parole de Nidaa Tounes. «Il s'agit surtout de rétablir la confiance des citoyens dans l'appareil de l'Etat», insiste-t-il. Or, avec la crise socioéconomique sévissant en Tunisie et les risques sécuritaires menaçant le pays, de tels objectifs sont difficiles à réaliser, à moins d'un effort national optimal, concentré sur le redressement socioéconomique, pensent la majorité des observateurs. Comment faut-il procéder ? Contre l'exclusion A suivre les médias, il est clair que les explications répétitives de la direction de Nidaa Tounes, notamment de Béji Caïd Essebsi, n'ont pas empêché les spéculations concernant une éventuelle alliance entre Nidaa Tounes et Ennahdha. Pourtant, le fondateur de Nidaa Tounes a explicitement déclaré, lors d'une récente interview sur TF1, qu'«il n'est pas nécessaire qu'Ennahdha participe au gouvernement, mais nous allons dialoguer et nous allons voir». Ces trois phrases de BCE résument apparemment toute sa pensée et celle de Nidaa Tounes, concernant les rapports avec Ennahdha. Les islamistes constituent, selon BCE, un élément important du paysage politique qu'il serait erroné d'ignorer. «Nous sommes contre l'exclusion», a toujours affirmé le président élu. Partant de ces considérations, le dirigeant de Nidaa Tounes, Néji Jalloul, affirme que «les rapports avec Ennahdha vont dépendre du rapport de forces dans les urnes». Il rappelle que «les islamistes ont confectionné un régime politique et un calendrier électoral sur mesure pour qu'Ennahdha soit le premier parti en Tunisie et la plaque tournante de sa vie politique». Or, dit-il en souriant, les urnes ont accordé ce privilège de premier parti à Nidaa Tounes. «Mais, cela n'a pas empêché BCE de continuer sur la même voie, celle du refus de l'exclusion», conclut l'universitaire. «Même si Nidaa Tounes obtient la majorité absolue au Parlement, nous ne gouvernerons pas seuls», continue à répéter Béji Caïd Essebsi. Pour lui, dans cette phase, le pays ne se gère que par le consensus, afin de finaliser la transition démocratique et réussir sa phase socioéconomique. «La révolution a été faite contre le chômage, la pauvreté et la marginalisation. Donc, elles constituent nos priorités avec les défis sécuritaires», répète BCE à qui veut l'entendre. Or, pour réaliser ces objectifs, Nidaa Tounes propose de ne pas dissiper le potentiel national dans des luttes marginales entre les composantes de la scène politique. «Le mieux serait qu'Ennahdha soutienne l'action gouvernementale sans faire partie du gouvernement, pour rester fidèle à l'engagement pris par Nidaa Tounes de ne pas s'allier avec Ennahdha», affirme l'entourage de Béji Caïd Essebsi pour traduire l'essence de sa pensée. Et Ennahdha ? Comme le fond de l'action politique est un calcul d'intérêt derrière chaque manœuvre, Ennahdha doit aussi trouver son compte dans ce deal. Eh bien oui, semble-t-il. Dans une interview accordée à la chaîne Al Hiwar Ettounsi, le leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, trouve que la situation n'est pas encore opportune pour un pouvoir islamiste dans la région arabe. «C'est pourquoi Ennahdha n'a pas présenté de candidat à la présidence de la République», affirme-t-il. «La situation en Tunisie est la meilleure dans la région grâce à la sagesse d'Ennahdha», poursuit-il. Il est donc clair que Ghannouchi préfère qu'Ennahdha reste aux aguets et capitalise sur la démocratie pour espérer gouverner grâce à l'alternance ancrée, désormais, dans les traditions politiques du pays. Il reste maintenant à s'entendre, suivant cette logique consensuelle, sur le chef du gouvernement et ses membres, comme ce fut le cas avec le gouvernement de Mehdi Jomaâ, «avec toutes les réserves dues au changement du décor», précise le professeur Jalloul. «Nidaa Tounes n'a aucun intérêt à gérer seul, voire avec ses alliés proches, ce pays en crise», insiste-t-il, en soulignant que c'est en cela que s'accordent, semble-t-il, Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi. «Il n'y a rien de sorcier ni de diabolique en cela», constate-t-il. «Si ça marche, c'est la Tunisie qui en tirera le plus grand profit», espère-t-il. Concernant les risques de retour des islamistes au pouvoir, comme ils l'espèrent, le professeur Jalloul pense que «c'est légitime dans un régime qui se veut démocratique». «C'est à nous, démocrates et laïcs, Nidaa Tounes en tête, d'empêcher les islamistes d'atteindre leurs objectifs en réalisant les promesses faites à notre peuple», rappelle-t-il. «Il est normal qu'Ennahdha compte sur l'échec de Nidaa Tounes au pouvoir pour prendre la relève. Donc, c'est à Nidaa Tounes de prouver son savoir-faire. C'est cela, aussi, la démocratie», conclut l'universitaire.