Le coup d'envoi des 6es Journées cinématographiques d'Alger (JCA), est prévu ce soir à 18h, à la Cinémathèque. Le président de l'association "À nous les écrans" et organisateur des JCA, revient dans cet entretien sur cette édition et la situation du 7e art algérien. Liberté : Pourquoi ces Journées cinématographiques d'Alger ? Salim Aggar : L'idée d'organiser les Journées cinématographiques d'Alger est venue de l'association "À nous les écrans" dans le but de promouvoir le court-métrage et le film documentaire algériens, aussi et surtout pour aider à faire connaître et émerger les jeunes cinéastes qui ont besoin de visibilité et d'espace pour faire éclater leur talent. On a commencé cette belle aventure en 2009, sans difficultés et embûches, mais c'est finalement devenu aujourd'hui un rendez-vous incontournable du cinéma en Algérie. Pour cette édition on devait l'organiser plus tôt que cela, mais les moyens financiers nous manquaient et nous avons dû retarder l'évènement. Puis il nous a été demandé de le faire en décembre, ce qui n'était pas possible vu qu'il y avait à cette période trois évènements en rapport avec le cinéma. C'était impensable de le faire à cette date, d'autant plus que je fais partie de l'organisation de deux d'entre eux. Lors de l'édition précédente, le ministère de la Culture, à sa tête Nadia Labidi, s'était impliqué dans cet évènement, est-ce le cas cette année ? En fait, il faut dire que le ministère de la Culture s'est toujours impliqué dans cet évènement et l'a aidé depuis le début. J'en profite aussi pour remercier ici l'Office national des droits d'auteur (ONDA) à sa tête M. Bencheikh, ainsi que le Centre algérien du développement du cinéma (CADC). Il est vrai qu'à l'époque de Khalida Toumi, nous n'avions jamais eu le privilège de sa présence lors du déroulement de ces journées, contrairement à Mme Labidi qui était venue les partager avec nous. M. Mihoubi, actuel ministre de la Culture, connaît les JCA puisqu'il a déjà participé lors d'une édition à une conférence consacrée au cinéma et la révolution avec Saïd Ould Khelifa, le réalisateur de Zabana !. Labidi et Mihoubi ont été les premiers à assister aux Rencontres de Béjaïa, ils connaissent bien le cinéma et le soutiennent à fond.
Que pensez-vous de cet acharnement à vouloir à tout prix institutionnaliser les évènements culturels ? Ecoutez, je ne vous cache pas qu'à l'époque de Mme Toumi, ils ont voulu institutionnaliser les JCA, mais nous avons toujours refusé de le faire, préférant garder notre indépendance. J'estime que nous sommes les acteurs de cette scène culturelle cinématographique et nous offrons au cinéma algérien et au ministère de la Culture un travail de qualité dont on peut être fier et qui a fait ses preuves même à l'international. Nous accompagnons le ministère de la Culture dans l'initiative ou l'organisation des évènements culturels du pays. Dans notre association, nous sommes des passionnés de cinéma, nous ne cherchons pas le profit ou autre chose. Je pense que toute la différence est là. Ou on aime le métier et on le développe même avec peu de moyens, ou on n'a rien à avoir avec ce métier et on gaspille des sommes faramineuses pour un résultat en deçà des attentes. Quels sont les critères exigés pour participer aux JCA ? Il faut que le film proposé soit de bonne qualité, fait de manière professionnelle ; il faut qu'il ait reçu des prix ou des distinctions lors de festivals ou au moins qu'il ait été sélectionné à y participer comme les festivals de Cannes, de Montpellier..., des films qui ont eu un parcours intéressant. Un constat amer doit être fait : malgré les moyens mis, la qualité de nos productions a régressé, pourquoi ? C'est surtout en raison du manque de scénarios. Nous n'avons pas de bons scénarios sur lesquels construire de bons films. Il n'y a pas assez de productions écrites qui puissent être la source de scénarios, ou si elles existent, il n'y a pas forcément de lien ou de coordination entre les deux. Ceci dit, avoir un bon livre ne dit pas forcement qu'on aura un bon film. L'adaptation n'est pas automatiquement réussie. Prenez le cas de L'attentat de Yasmina Khadra par exemple, le livre est excellent mais le film a été raté, contrairement à Ce que le jour doit à la nuit qui a été réussi. Et les exemples ne manquent pas. Que vont découvrir les adeptes des JCA cette année ? Cette édition, la direction des JCA a souhaité rendre hommage à un grand nom de la critique cinématographique : Abdou B., qui avait dirigé la revue Les 2 écrans, qui fut la première revue francophone consacrée au 7e art et à la télévision lancée en Afrique et dans le monde arabe. D'ailleurs l'affiche du Festival lui est dédiée. Le comité de sélection des JCA a reçu plus de 134 films pour cette édition, 34 productions (17 documentaires et 17 courts métrages) ont été sélectionnées issues de dix pays : La France, la Tunisie, le Maroc, le Qatar, l'Egypte, le Liban, la Suisse, l'Italie, la Belgique et les Etats-Unis. Les JCA offrent une part belle à la production nationale, puisque 18 films algériens, dont 10 coproductions seront projetés durant ces journées. Comme chaque année, la compétition sera axée sur le court-métrage national et le documentaire international. Les films seront jugés par un jury de qualité : le comédien et réalisateur Mustapha Djadjam (président du jury), sera accompagné par la réalisateur Larbi Benchiha (Algérie), le critique Ilhem Seif Edine (Egypte), la comédienne Jihane Benabid (Maroc), le réalisateur Jean Asselmayer (France), le critique et écrivain Abdelkrim Gabous (Tunisie) et le formateur en cinéma Didier Boujard (France). Au début, il a été annoncé que les JCA devaient se tenir à El Mouggar, pourquoi ce changement de salle ? La cinémathèque algérienne est le berceau du cinéma algérien. Le responsable de la salle El Mouggar n'a pas compris l'importance de cet événement pour les jeunes, et il a comptabilisé la salle à un prix qui est au-dessus de nos moyens. Mais cela nous a ramenés au musée du cinéma qui est en réalité notre source d'inspiration et quelque part, c'est tant mieux! Entretien réalisé par : Samira Bendris