L'article 51 de la nouvelle Constitution, adoptée dimanche par le Parlement, pose problème pour la mobilisation des compétences installées à l'étranger. C'est ce qu'a indiqué, hier, Mohamed Saïb Musette, chercheur au Centre de recherche en études appliquées pour le développement (Cread), lors de la présentation d'une étude intitulée "De la fuite des cerveaux à la mobilité des compétences : une vision du Maghreb", réalisation avec la collaboration du bureau d'Alger de l'Organisation internationale du travail (OIT). "On nous parle de la mobilité des compétences. Mais pourquoi tant de barrières ?" s'est interrogé Mohamed Saïb Musette, estimant que l'Algérie doit compter sur la diaspora "pour avancer". Selon l'étude les migrants algériens qualifiés représentent 26% en moyenne des Algériens installés dans les pays de l'OCDE, soit un effectif de 267 799 personnes, dont 1,2% ont un PHD (plus haut niveau d'études). "On constate aussi que 24,8% des femmes et 27% des hommes ont un niveau d'études supérieures", relèvent les chercheurs qui ont participé à l'étude. La répartition des émigrés qualifiés, d'origine algérienne par âge, montre la prédominance de la classe active (35-54 ans), chez les deux sexes, quoique chez les femmes, "la classe active (35-54 ans) soit presque aussi importante que celle qui la suit". L'étude note une réduction de la différence dans les proportions entre les hommes et les femmes, contrairement à ce qui était observé dans les données des années 2000."Cela peut être probablement le fait de l'accroissement de la mobilité féminine, sauf si le regroupement familial est plus important", explique-t-on. La répartition des migrants qualifiés par pays indique qu'ils sont installés en majorité en France (75%). En seconde position, viennent le Canada (11%) et la Grande-Bretagne (4%) comme principaux pays de destination. L'Espagne et l'Italie, qui sont les destinations favorites après la France et le Canada pour les Algériens en général, n'attirent pas pour autant les personnes qualifiées. Pour comprendre la dimension réelle de la fuite des cerveaux, le statut de personnes qualifiées, originaires d'Algérie, apporte un éclaircissement important. "Ils ne sont que 24% de nationalité algérienne dans le pays d'accueil. En revanche 75% des immigrés algériens qualifiés possèdent la nationalité du pays d'accueil, dont 48% d'entre eux l'avaient déjà à la naissance", relève l'étude. En France le volume d'Algériens qualifiés est estimé à 139 000 sur un effectif d'émigrés qualifiés (bac + 2) de l'ordre de 454 000 environ, soit 31% de la totalité. L'étude note la présence d'un potentiel assez important de médecins originaires d'Algérie. L'Ordre des médecins en France fait état de l'existence de 54 168 médecins, nés hors de France. Les médecins originaires du Maghreb (Algérie-Maroc-Tunisie) représentent 40% de l'effectif de médecins étrangers inscrits à l'Ordre des médecins en France. Plus de la moitié des médecins maghrébins sont originaires d'Algérie. Le nombre de médecins algériens est estimé à 10 318, dont 92% sont des salariés. 27% ont été formés en Algérie. L'étude indique que plus de la moitié des immigrés algériens qualifiés avaient un contrat de travail à durée indéterminée, 11% exerçaient des professions libérales et 9,2% étaient au chômage. Selon la catégorie socioprofessionnelle, 34% des Algériens installés en France sont des cadres ou exercent des professions intellectuelles, contre 14% qui sont des employés. Le niveau de rémunération des compétences originaires d'Algérie varie entre moins de 500 euros et 8 000 euros et plus. 35% des personnes perçoivent moins de 1 500 euros, 25% entre 1 500 et 2 500 euros et puis 37% avec plus de 2 500 euros. L'étude révèle la faible intensité des retours des compétences. Selon Mohamed Saïb Musette l'Algérie capte très peu de transferts des émigrants. "90% de ceux qui transfèrent des fonds sont des retraités", précise le chercheur évoquant une "hypothèse forte" de tarissement des transferts. Meziane Rabhi