L'article 51 de la Constitution, adoptée avant-hier, a provoqué de vives réactions. Des binationaux, parmi lesquels de nombreuses compétences installées à l'étranger, rejettent «une disposition qui instaure un deuxième collège». Organisées en collectif, une douzaine d'associations ont adressé un manifeste aux députés pour leur demander de rejeter l'avant-projet soumis au Parlement pour adoption. Réunis en congrès, les députés ont préféré adopter à la majorité absolue les amendements apportés à la Constitution de 1996. Selon une étude du Cread coordonnée par le sociologue Mohamed Saïb Musette — voir encadré concernant le nouveau rapport coordonné par le Centre avec l'OIT —, l'effectif des migrants algériens qualifiés dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), des pays développés pour la plupart, est de 267 799 personnes. Selon l'étude portant sur «La fuite des cerveaux et le développement dans l'espace de l'UMA : le cas Algérie», sur les 267 799 Algériens de niveau supérieur en Europe, 1,2% sont titulaires d'un PhD (plus haut niveau d'études). Autre donnée : 75% des immigrés algériens qualifiés possèdent la nationalité du pays d'accueil, dont 48% l'avaient déjà à la naissance. Les pouvoirs successifs avaient une posture distante à l'égard des compétences à l'étranger : absence d'initiatives sérieuses ou même l'immobilisme. «La question des migrations n'a jamais été au sommet des préoccupations des autorités publiques en Algérie, et ce, bien avant la situation actuelle de l'exode massif des compétences», constate Abdelkader Djeflat, dans son article sur les compétences algériennes à l'étranger publié dans la revue Hommes et immigration (2012, 36-50). Selon l'auteur, l'absence de politique et de stratégie sérieuses au niveau des instances de l'Etat a donné lieu à des actions ponctuelles ne s'inscrivant parfois dans aucune logique. «L'immobilisme constaté au niveau des politiques publiques jusqu'à une date récente est un autre fait notoire», ajoute-t-il. Pas de «brain gain» dans l'immédiat Selon M. Djeflat, il y a deux façons de réaliser le «brain gain» : soit à travers le retour des expatriés dans leur pays d'origine (option retour), soit à travers une mobilité active permettant de recycler dans les économies d'origine des savoirs et des savoir-faire allant dans le sens du capital humain disponible. Des initiatives ont été annoncées ces dernières années pour permettre aux compétences de s'impliquer dans l'effort de développement du pays : création par décret présidentiel (n°09-297) du Conseil consultatif de la communauté nationale à l'étranger, lancement d'un site internet, organisation de rencontres et forums, etc. Le flux ne s'inverse pas, puisque les autorités n'ont rien engagé de concret. «La crise aiguë dans la médiation politique, qui s'est accentuée par l'instauration de l'idéologie unanimiste après l'indépendance et la domestication des champs universitaires et professionnels, vont approfondir systématiquement le volume de la formation des foyers migratoires», regrette Karim Khaled, chercheur au Cread, dans un article publié dans l'ouvrage coordonné par M. Musette qui sera présenté demain matin. L'adoption de l'article 51 sur l'exclusion des binationaux des fonctions publiques par le Parlement risque de compliquer ces «efforts» annoncés à cor et à cri par les pouvoirs publics. L'une des conséquences immédiates de la politique hostile à l'égard de la communauté est le refus de s'impliquer dans des actions de solidarité. «Nous n'allons plus envoyer des aides, car la plupart des donateurs sont des binationaux. Nous n'allons pas avoir ce financement des donateurs, nous dépendons d'eux», tranche Yougourthen Ayad, président de l'association Algériens des deux rives et leurs amis (ADRA), qui figure dans le collectif qui s'est opposé, vainement, à l'amendement constitutionnel.