À la fois crooners et danseurs, les Musiciens du Nil, avec leurs épaisses gallabiyas sombres, majestueusement enturbannés dans leur musique ancestrale, sillonnent le monde depuis une vingtaine d'années au gré des festivals et des manifestations culturelles. Les Musiciens du Nil est le premier groupe arabe à acquérir de la notoriété dans le monde entier et ce, dès 1975, avec, à leur début, le grand maître et génie de la musique, Metqâl Qenawi Metqâl, et Shamandi Tewfik, poète épique d'un autre temps, et qui font aujourd'hui figure de symbole. Venus des profondeurs de la Haute-Egypte, ces musiciens perpétuent une tradition ancestrale, celle des vieux bardes musiciens de village et nomades qui vont animer les fêtes traditionnelles. Eux-mêmes appartiennent à de véritables castes de musiciens professionnels affiliés à des clans tziganes, tels les Mataqil, Balhawanat, Djamassi, venus s'établir en Egypte dès le XIe siècle, ce qui leur a permis de mettre en valeur cet aspect de la musique tzigane du monde arabe. Charmeurs et sensuels, avec leurs chants, musiques et danses rituelles sacrées des gitans de la Haute-Egypte, les Musiciens du Nil sont divisés en deux ensembles avec l'art et le chant incisif de rababa mais aussi celui du mizmar baladi, le hautbois de Haute-Egypte. Les ensembles de mizmar sont composés de trois mizmars et du tabla baladi, le gros tambour à double membrane. Si ces formations sont courantes en Orient, en Haute-Egypte, elles sont d'une rare musicalité ; les stridences du mizmar de Qenawi Bakhit Qenawi et de Ramadan Atta du village de Djaradjos évoquent les subtilités de la musique indienne et la virulence rythmique des musiques d'Orient, de celles qui nous conduisent vers une véritable transe profane à la découverte de sonorités oubliées et augmentées de véritables frissons acoustiques. Les Musiciens du Nil, malgré leur parcours impressionnant, ont su conserver leur authenticité et leur naturel ; ils restent le témoignage vivant d'une musique populaire qui porte en elle à la fois ancienneté et modernité. Leur musique remonte à l'époque pharaonique et reste de nos jours une des formes d'expression populaire les plus prisées en Haute-Egypte. Ces musiciens connus à travers le monde donneront un récital, demain, au Théâtre de verdure, à l'initiative de l'Etablissement Arts et Culture. R. C.