La troupe, connue particulièrement en Europe, où elle a écumé les festivals les plus en vue, perpétue une tradition musicale tzigane installée en Egypte au XIe siècle. Les Musiciens du Nil, troupe de troubadours égyptiens originaire du Sa'îd (Haute-Egypte), a animé mercredi soir un concert à Alger. Célèbre dans le monde, particulièrement en Europe, où elle a écumé les festivals de world-music les plus en vue, celle-ci compte 9 musiciens et presque autant d'instruments insolites. On peut citer l'arghoul, un double ney en roseau, qu'on dit d'origine pharaonique, et le rababa (proche du rabab qu'on utilise dans la musique andalouse), une sorte de violon squelettique à deux cordes et au son aigu. Sa rencontre avec le public algérois, contrairement aux autres soirées de l'établissement Arts et Culture, qui ont eu lieu au Théâtre de verdure depuis début juillet, s'est déroulée dans l'atmosphère feutrée de la salle Ibn Khaldoun, qui devait pourtant subir une opération de lifting ce mois-ci. Le membre le plus âgé de cette fratrie, Morad Meddahi, est une tribu à lui tout seul. Energique patriarche de 70 ans, il est, de sa propre déclaration à la télévision avant le début du concert, époux de 7 femmes et père de 22 enfants. La musique traditionnelle qu'il distille avec ses compagnons de scène ne porte pas vraiment de nom. Elle est, raconte-t-on, d'origine tzigane et serait apparue en Egypte, selon les biographes, avec la venue au XIe siècle de castes de musiciens professionnels tziganes, appelées mataqil, balhawanat et djamassi. Cette musique, que découvre Alger après le reste du monde, a connu une notoriété internationale depuis 1975, bien avant la sortie de notre raï national hors des frontières. Mercredi soir, les bardes sa'îdi sont apparus sur scène à la manière dont sont croqués les bédouins dans les feuilletons égyptiens : amples gallabiyas, têtes soigneusement enturbannés, keffiehs sur les épaules, moustaches épaisses, cous larges et voix graves. De leurs langues mielleuses, ils n'ont cessé, en première partie de soirée, et comme le veut la bienséance chez les enfants de Oum Eddounia, de vanter “halaouet” la jeunesse algérienne. Hommage qui a récolté un bon score à l'applaudimètre, bien que le public faisait un peu défaut au regard du nombre. La deuxième partie de soirée, qui tranche avec la première, un peu légère, et où étaient distribués des “ya lil” et “ya aïn” a satiété sur des roulements de derbouka et des envolés burlesques de l'arghoul, était consacrée à la transe. Transe profane, faut-il préciser, que les musiciens tentent d'atteindre au moyen d'une formation dépouillée qu'on appelle mizmar, réunissant 3 mizmars (hautbois du Sa'îd) et un “tabla baladi”, gros tambour à double membrane. Cette musique tournoyante et répétitive sert de toile de fond à des danseurs qui effectuent des acrobaties et des chorégraphies imitant les combats de bâtons. Le concert, qui se termine sur ces tableaux belliqueux, cèdera la place à une autre rencontre nomade avec Natasha Atlas, jeudi prochain, 28 juillet, au Théâtre de verdure. Djamel Belayachi