Cette dernière œuvre de l'écrivaine est un roman palpitant qui mêle la belle poésie d'antan à la rude vie d'aujourd'hui. Après Au commencement était la mer, Cette fille-là, Entendez-vous dans les montagnes, Pierre, Sang, Papier ou Cendre et d'autres œuvres aussi marquantes les unes que les autres entre roman, nouvelle, essai et poésie, voilà que la plume de Maïssa Bey nous donne à lire un autre chef-d'œuvre en Hiziya. Un roman palpitant qui mêle la belle poésie d'antan à la rude vie d'aujourd'hui. Un écrit à deux voix : celle du personnage principal, Hiziya, une femme de notre époque, habitant la Casbah d'Alger, diplômée, qui tarde à se marier, qui nous parle, nous raconte sa vie, nous interpelle parfois, tente de se révolter, qui refuse d'obéir, ne veut pas ressembler aux autres. Puis, nous retrouvons la voix intérieure d'une autre Hiziya, passive, plus résignée, qui tente de la raisonner, de la calmer, lui donnant mille et un prétextes pour ne pas se rebeller, pour rester dans le rang et faire comme les autres car les parents, la famille et la société ne veulent pas de ça. Pourquoi tenter le diable et risquer le qu'en dira-t-on ?! D'autres femmes sont présentes dans ce roman : cette autre Hiziya du XIXe siècle où on pouvait vivre et mourir d'amour ; une époque bien révolue qui connut Sayyad, l'amoureux transi d'un amour qui inspira la poésie populaire à travers le poète Ben Guittoun qui en fit un magnifique hymne à l'amour repris et chanté jusqu'à nos jours. La Hiziya d'hier a de tout temps fasciné notre Hiziya d'aujourd'hui qui rêve elle aussi de connaître le grand amour avec un poète qui lui écrirait de la belle poésie. Il y a aussi Sonia, sa collègue du salon de coiffure où elle a dû travailler faute de poste de traductrice, qui cherche elle aussi le prince charmant à travers les réseaux sociaux qui viendrait la sortir du pays vers un avenir meilleur. Sa sœur Kahina, belle et insouciante, sa complice parfois et parfois non, quand elle ne partage pas sa vision des choses de la vie. Il y a sa maman et les voisines qui se partagent en chuchotant sur leur terrasse leurs souvenirs de jeunesse enfouis au fond des traditions qui imposent à la femme le silence, lui interdisant toute joie ou sensation. Les hommes y sont aussi présents, mais leur présence est inutile, voire futile, entre un père qui se cache derrière une guerre qu'il n'a pas faite mais qu'il glorifie malgré tout et des frères pétris dans les problèmes du quotidien, victimes de leur mal-vie. Mais notre Hiziya est une révoltée qui ne veut pas ressembler aux autres ; une Hiziya qui refuse de se laisser faire ; une Hiziya qui n'a pas peur et rêve tout de même d'un prince poète enchanteur. Mais il s'avère que l'histoire qu'elle vit est semblable à celle des autres femmes de son entourage. Elle se croyait différente, mais il n'en est rien. Comme toutes les autres femmes de son entourage, elle se complaint dans ce mal-être et continue de subir cette société, préférant se cacher derrière de faux prétextes qui lui donneraient raison de se défiler ; sinon pourquoi refuserait-elle cet amoureux transi qui surgit un jour et lui écrit continuellement de la poésie ? N'était-ce pas son rêve ? Mais au rêve, elle n'y croit plus... À ce pseudo amoureux transi, elle lui préfère un homme plus "terre à terre" qui lui donnera une vie simplement ordinaire de laquelle l'amour est banni. Samira Bendris
Roman Hiziya de Maïssa Bey, Barzakh Editions, 2015, 297 pages, 900 DA.