La cinquantaine de chômeurs d'Ouargla poursuit sa protestation devant la wilaya pour le deuxième jour consécutif. Les autorités restent toujours impassibles. Les chômeurs d'Ouargla, dont une quinzaine s'était cousue les lèvres, observaient, hier, pour la seconde journée de suite leur sit-in de protestation devant l'entrée principale du siège de la wilaya. Une protestation qui dure depuis deux mois et qui, à leurs dires, laisse toujours les autorités locales de marbre, y compris lorsque l'exaspération a poussé certains d'entre eux à la mutilation. C'est que ballottés de bureau en bureau, rejetés comme des êtres de malheur par les employeurs, ils ont fini par désespérer. Leurs témoignages sont poignants. Ils se sentent tellement humiliés que chacun d'eux est un Bouazizi potentiel, ce jeune Tunisien dont l'immolation par le feu en 2011 a soulevé la bourrasque qui a fait fuir le président Ben Ali, et fait s'écrouler son régime autoritaire. N'mer Salah, célibataire, 37 ans, est de la protesta. Il s'est cousu les lèvres, observe une grève de la faim et envisage le pire. Diplômé en plomberie, il est inscrit à l'Agence nationale de l'emploi (Anem) depuis 2001. Une longue attente. La seule fois où il a pu travailler entre-temps, c'est à l'Entreprise nationale des grands travaux pétroliers (ENGTP) à Hassi-Messaoud... comme manœuvre. L'expérience a été courte. Depuis, c'est la galère pour lui. La situation de son camarade de protestation, Benzine Salah, 24 ans, qui s'est cousu, lui aussi, les lèvres et observe une grève de la faim, n'est guère meilleure. Ils sont tous les deux logés à l'enseigne de la précarité et de la misère. Ce jeune chômeur a passé en tout 26 jours dans la rue, nuit et jour, à braver le froid et à ruminer la faim qui tord les boyaux. En se cousant les lèvres, avant-hier, il s'est retrouvé aux urgences médicales. Il a souffert d'un accès de fièvre et de douleur. Mais il ne compte pas abdiquer. Dababi Abdallah, également âgé de 24 ans, visage déjà sillonné de rides, dit ne pas demander la lune. "Tout ce que je demande, c'est un emploi, rien que cela, pas plus", lâche-t-il. Une complainte à vous arracher un sanglot ! Lui a, aussi, fait plusieurs fois le tour des agences de l'emploi, en vain. C'est toujours le vigile qui vous barre l'accès et vous balance la même rengaine : "Il n'y a personne." De leur côté, les responsables locaux qui ont accepté de s'exprimer sur le problème parlent de "matraquage médiatique" autour d'une action de protestation banale. C'est le cas du directeur exécutif de l'emploi de la wilaya qui soutient qu'"il n'existe pas de problème d'emploi à Ouargla et les statistiques chez les compagnies d'assurance et les sociétés le prouvent". Un autre responsable souligne, lui, que les offres d'emploi sont affichées au niveau des 12 agences locales, mais, indique-t-il, les jeunes veulent tous travailler dans les sociétés pétrolières. Ce que les protestataires réfutent. Selon eux, les offres d'emploi peuvent exister, mais elles ne bénéficient que rarement, voire jamais, aux chômeurs de la région. Un autre problème de soulevé. G. Chahinez