Pour les anciens chefs de gouvernement Sid-Ahmed Ghozali et Ahmed Benbitour, comme pour le président du MSP, la crise qui affecte le pays reste "intimement liée à la mauvaise gouvernance" du régime en place. "À l'ombre de la crise énergétique : quel avenir pour l'Algérie ?" Tel est le thème d'une conférence-débat animée hier au siège du MSP par l'ancien P-DG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, en présence d'Abderrezak Makri, des anciens chefs de gouvernement Sid-Ahmed Ghozali et Ahmed Benbitour, de l'ancien ministre et diplomate Abdelaziz Rahabi et de l'ancien ministre de l'Agriculture Noureddine Bahbouh, ainsi que d'un représentant du Parti de la justice et de la construction libyen, Imad El-Benani, en tant qu'invité d'honneur du MSP. Dans son exposé chiffré, M. Attar a démontré que tous les signaux ou presque sont désormais au rouge. Devant l'amenuisementt de nos réserves énergétiques, lequel va crescendo depuis l'indépendance à ce jour, conjugué à une consommation interne en constante augmentation, alerte M. Attar, l'Algérie se doit désormais, "d'aller absolument vers une transition énergétique". Selon lui, l'Algérie aura déjà épuisé "plus de 50%" de ses réserves, toutes ressources comprises (pétrole, gaz et condensé). Tandis que la consommation interne s'est multipliée par 3 par rapport aux années 1990. Le comble, constate M. Attar qui se réfère aux statistiques officielles, 79% de la consommation nationale en énergie concernent les transports et les ménages. Autrement dit, note-t-il, une consommation sans valeur ajoutée. À ce rythme effréné de la consommation, alors que les nouvelles découvertes se font de plus en plus rares, l'ancien n°1 de Sonatrach prévoit des lendemains alarmants. Et si jamais rien n'est fait actuellement, l'on n'aura, vraisemblablement, "plus quoi consommer, même avec les réserves probables, d'ici à 2035, au plus tard !" D'où son insistance sur la nécessité d'une transition énergétique qui passe, explique-t-il, par la rationalisation de la consommation dès les deux ou trois prochaines années, l'investissement dans les énergies renouvelables, voire les ressources non conventionnelles à l'instar du gaz de schiste dont les réserves seraient, selon lui, "importantes". Conscient de la difficulté de l'exploitation de cette ressource non conventionnelle, M. Attar avoue, néanmoins, que le recours au gaz de schiste n'est pas pour demain. Rappelant l'amenuisement des recettes pétrolières, conséquence de la dégringolade des prix du baril, sur lesquelles repose quasi exclusivement l'économie nationale, M. Attar n'a pas manqué d'appeler à la diversification de notre économie par le développement de certains secteurs névralgiques, notamment l'agriculture et l'industrie. Si l'alerte de M. Attar se voulait plutôt économique, tous les autres intervenants à cette rencontre ont refusé de dissocier l'économique du politique. Ainsi, que ce soit pour les anciens chefs de gouvernement Sid-Ahmed Ghozali et Ahmed Benbitour, le président du MSP ou encore M. Rahabi, la crise qui affecte le pays reste, en effet, "intimement liée à la mauvaise gouvernance" du régime en place. À leurs yeux, même la baisse des prix du pétrole par laquelle le pouvoir tente de justifier la crise financière affectant aujourd'hui le pays n'est qu'un "mensonge de trop pour dissimuler ses échecs". "En mettant en avant la chute des recettes pétrolières, c'est en réalité une stratégie adoptée par le pouvoir pour détourner le vrai débat et surtout préparer le peuple à des mesures d'austérité drastiques. Le prétexte de la baisse des prix du pétrole n'est ainsi que mensonge !" a accusé Sid-Ahmed Ghozali qui dénonce ce comportement "menaçant le sort et surtout l'unité du pays". Pour éviter ce drame à notre pays, M. Ghozali ne voit pas de solution possible sans le déboulonnement du système en place qu'il appelle ainsi à... "(se) dégager !" Pour lui, les pouvoirs finissants passent par trois phases successives, à savoir "la griserie" puis "l'aveuglement" et, enfin, la "folie", celle-ci ayant atteint, estime-t-il, le défunt dictateur libyen Maâmar Kadhafi. Le nôtre, selon lui, serait déjà dans la deuxième phase, celle de "l'aveuglement". De son côté, M. Rahabi a pointé du doigt le président Abdelaziz Bouteflika dont la responsabilité de mener le pays vers la crise est, assène-t-il, entièrement engagée. Par ailleurs, et à la lecture faite par certains médias annonçant la conférence organisée par le MSP comme une rencontre pour "faire le procès" du revenant Chakib Khelil, M. Ghozali a répondu que l'objectif n'était guère de juger "cet individu", y voyant là "une manipulation du pouvoir". "Nous ne sommes pas là pour faire le procès d'un individu, mais pour faire le point sur la situation que traverse notre pays et proposer des alternatives de sortie de crise", a-t-il commenté. Farid Abdeladim