Le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Amar Saâdani, a désormais deux autres cibles dans son viseur. En plus du chef intérimaire du Rassemblement national démocratique (RND) et directeur de cabinet à la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, et le gouverneur de la Banque d'Algérie (BA), Mohamed Laksaci, le SG du FLN a "tiré", hier, sur le ministre de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Sid-Ahmed Ferroukhi, et le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa. Lors de son passage, mardi, au forum de la Radio nationale Chaîne I, Amar Saâdani a surpris plus d'un par son offensive contre les deux membres du gouvernement en question. Au premier, il a reproché de gérer le secteur d'une manière "archaïque" et qui se rapproche du temps de la "révolution agraire". Au second, il a carrément imputé tous les maux ayant causé la faillite financière du pays, assimilant sa gestion à celle de la Corée du Nord, sinon pire, a-t-il soutenu. Le plus surprenant est que le SG du FLN profitait de la tribune que lui offrait la radio publique, et dont l'émission était transmise en direct, sur les antennes des radios des quarante-huit wilayas du pays, pour descendre en flammes deux ministres de la République. Lesquels d'ailleurs appliquent le programme et les directives du président de la République, dans le cadre de la feuille route soumise au gouvernement. Et lorsqu'on sait que les ministres ayant exercé, jusque-là, sous le règne d'Abdelaziz Bouteflika, prennent rarement, sinon jamais des initiatives de leur propre chef, il y a lieu de s'interroger sur l'attaque "ciblée" d'Amar Saâdani. D'autant que ce n'est qu'en 2016, soit après quatre mandatures d'Abdelaziz Bouteflika, qu'Amar Saâdani s'offusque que l'Algérie importe encore de la pomme de terre et des oignons. Et la faute est à mettre à l'actif de Sid-Ahmed Ferroukhi, depuis quelques mois seulement à la tête de ce secteur, et qui gèrerait ce département avec "des tracteurs vétustes et des lopins de terre de quelques hectares seulement", donc pas assez de privatisation du foncier agricole. Contactées, des sources proches du FLN, mais aussi du ministère de l'Agriculture, expliquent que "le souci premier d'Amar Saâdani n'est pas forcément l'avenir de ce secteur". L'enjeu pour lui est le suivant : qui héritera du portefeuille à la faveur du prochain changement de gouvernement, jugé imminent. "Amar Saâdani veut placer le SG de l'Union nationale des paysans algériens (UNPA), Mohamed Alioui, ou l'ancien SG du ministère de l'Agriculture, actuellement membre du comité central du FLN, Abdeslam Chelghoum à la place de Sid-Ahmed Ferroukhi. Mais c'est surtout Abdeslam Chelghoum que le SG du FLN a intérêt à placer à la tête du secteur, puisque son nom est cité dans l'affaire de la Générale des concessions agricoles (GCA), un dossier pour lequel il a été écarté d'ailleurs de ce département", affirment nos sources. Sid-Ahmed Ferroukhi, agronome et technocrate, ne fait donc pas l'affaire du FLN. Surtout lorsqu'il s'agit de ne distribuer plus que "quelques hectares" à ceux qui aspirent à devenir de "grands propriétaires terriens", ajoutent les mêmes sources. Mais ce n'est pas tout, puisque nos interlocuteurs expliquent qu'"Amar Saâdani n'apprécie pas du tout les bons rapports qu'entretiendrait Sid-Ahmed Ferroukhi avec Ahmed Ouyahia", son désormais ennemi juré. Même schéma s'agissant de la personne du ministre des Finances. Le patron du FLN ne comprend pas comment Abderrahmane Benkhalfa donne des "directives aux banques publiques plutôt que des orientations". Donc pas assez de "largesses" et de "financements", confient nos sources, "aux projets d'opérateurs privés". Une rigueur financière, nous explique-t-on, qui est de mise "sur le compte d'Ahmed Ouyahia". Nos sources affirment aussi qu'Amar Saâdani n'apprécie pas la proximité du ministre des Finances avec le chef de cabinet de la présidence de la République. Et comme depuis ce mardi le SG du FLN exige ouvertement d'Abdelaziz Bouteflika le renvoi d'Ahmed Ouyahia de son cabinet, les deux ministres en question doivent logiquement suivre, souhaiterait Amar Saâdani. Mehdi Mehenni