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L'Algérie, la France, l'économie nationale: Saadani tire sur presque tout le monde
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 30 - 03 - 2016

Le secrétaire général du FLN critique violemment la France, la gestion de l'économie nationale ainsi que des personnalités bien en vue sur la scène nationale.
Il est vrai qu'un grand nombre d'analystes enveloppent la visite du ministre français des Affaires étrangères et du développement international, d'un caractère «curieux.» Ce caractère vient du fait que Jean Marc Ayrault est arrivé hier à Alger, c'est-à-dire avant la visite de son Premier ministre, d'à peine quelques jours. « Un ministre des Affaires étrangères ne vient pas une dizaine de jours avant son Premier ministre sauf s'il y a un problème urgent à régler, » nous disait dimanche un diplomate européen. La politique et la diplomatie veulent que «l'ensemble des questions et des dossiers qui seront exposés lorsque Manuel Valls sera à Alger, ont déjà été bien ficelés, et de ce fait, aucun ministre de son gouvernement ne doit venir à peine quelques jours avant lui». L'on rappelle que le Premier ministre français effectuera une visite officielle en Algérie les 9 et 10 avril prochain.
Les avis qui mettent en avant ce caractère curieux de la visite de Jean Marc Ayrault sont bien argumentés. Le MAE français a déjà évoqué publiquement hier à Alger, notamment le dossier du Sahara Occidental, le conflit en Libye et la lutte contre le terrorisme. Le secrétaire général du FLN lui s'inscrit dans cette lignée et accuse clairement la France de vouloir déstabiliser l'Algérie. Connu pour être « la voix de son maître » et déplier des feuilles de routes élaborées directement par la présidence de la République, Amar Saadani n'a pas fait hier dans la dentelle à l'égard de la France. « Le pays qui nous a colonisé pendant plus de 130 ans, a des visées impérialistes sur la région, mais il ne pourra rien faire, nos frontières sont bien protégées,» a-t-il déclaré à la radio nationale. Interrogé sur certains mouvements de protestation dans le sud du pays, le SG du FLN affirme et interroge sans hésiter «ce sont des perturbations fomentées par des ONG qui veulent créer des problèmes au sein du peuple algérien, ils nous disent que les gens du sud n'ont rien, mais vous avez colonisé l'Algérie pendant plus de 130, qu'est-ce que vous avez fait pour les gens du sud ? »
Le SG du FLN accuse la France de complot contre l'Algérie
En réponse à une question sur « les printemps arabes qui sont en vérité des automnes rudes et violents », Saadani écorche encore la France et souligne que « vous savez très bien ce que fait la France au Mali, c'est pour l'uranium (entre autres), mais une fois l'uranium malien épuisé, elle se tournera vers Tamanrasset (…). » Les accusations sont fermes et directes. Le SG aborde le conflit libyen et lance qu'«ils veulent intervenir militairement en Libye pour chasser Daech, ils veulent le pousser vers nos territoires, ce sont eux qui ont ramenés les terroristes en Libye (allusion aux bombardements de l'OTAN sur demande la France)».
Comme à son habitude, Saadani met donc les pieds dans le plat et accuse la France de comploter contre l'Algérie. Le message peut être officiel. En tout cas, aujourd'hui, il est rendu public par l'un des porte-voix les plus forts de la présidence de la République. Il n'est donc pas à en sous-estimer l'importance dans des relations qui ne pèsent pas très lourd dans le domaine économique même si les responsables français ont toujours compté le nombre d'entreprises françaises qui activent en Algérie et le nombre d'emplois qu'elles ont créés. « Les entreprises françaises produisent dans les pays voisins alors que chez nous, celles qui sont en partenariat avec des nationaux se comptent sur les doigts d'une seule main, » affirment des gestionnaires.
Au plan interne, le SG du FLN n'a pas manqué d'écorcher des responsables algériens de premier rang. Ahmed Ouyahia a été hier le premier à être attaqué violemment par son rival de premier ordre. «Ouyahia ne sera pas présent à notre regroupement pour l'édification d'un (mur) de soutien à notre armée, lui n'est pas le RND, lui s'occupe à vouloir être candidat à l'élection présidentielle (…). » Les mots sont crus et le reproche l'est tout autant contre un haut fonctionnaire de l'Etat dont on dit depuis quelques mois que ses jours sont comptés. A entendre Saadani l'écraser de la sorte, l'on peut aisément penser que c'est véritablement le début de la fin d'un directeur de cabinet à la présidence de la République qui ne fait peut-être plus l'affaire du chef de l'Etat. Sinon, il est impensable que le SG du FLN soit capable de tout ce cran et ce sang-froid pour intenter des procès (verbaux) contre de hauts fonctionnaires, de surcroît toujours en poste. D'aucun disent d'Ouyahia que son élection au poste de SG du RND risque d'être fortement compromise surtout quand on sait qu'un Belkacem Mellah ne s'en déclare pas candidat sans qu'il n'ait été instruit.
«Le gouverneur de la Banque d'Algérie est une catastrophe»
Le SG du FLN ne peut, par ailleurs, non plus avoir toute cette intelligence pour situer clairement les dysfonctionnements qui minent l'économie nationale, s'ils ne lui ont été dictés. C'est ainsi que Saadani s'est attaqué férocement au gouverneur de la Banque d'Algérie, le qualifiant carrément de « catastrophe pour le pays. » Mohamed Laksaci semble alors lui aussi devoir être obligé de prendre la tangente du départ à la retraite pour avoir déjà été, la semaine dernière, la cible de députés en furie. « Si vous avez un minimum de dignité, démissionnez ! » lui avaient asséné trois députés. Saadani l'accusera de tous les maux de la finance en Algérie. Du blocage des banques, l'absence de succursales à l'étranger, au manque d'imagination pour l'utilisation de leurs ressources dans l'économie, au change parallèle au Square (…), il mettra tout sur son dos en particulier et sur le ministère des Finances en général. Bien qu'il n'a pas été évoqué nommément, Abderrahmane Benkhalfa n'en est pas mieux loti que Laksaci par rapport aux foudres que le SG du FLN a lancé hier contre le secteur des finances. Mieux, le gouverneur de la Banque d'Algérie n'a pas été le seul à être qualifié de « catastrophe », les responsables du secteur de l'agriculture l'ont été tout autant. «Rien ne marche dans ce secteur, est-il normal que l'Algérie soit le 10ème grand pays au monde en superficie, alors qu'on importe tout ? » s'est-il interrogé. Mais ses détracteurs vont jusqu'à avancer qu'il remet en cause le travail de Sid Ahmed Ferroukhi pour abattre la carte du secrétaire général de l'UNPA qui caresse depuis longtemps le rêve d'être ministre de l'Agriculture… Les analystes estiment eux que Ferroukhi a tellement voulu se démarquer des thèses de Rachid Benaïssa « qu'il a fait tout faux ».
Mohamed Laksaci pourrait aussi partir pour céder, avance-t-on, la place à Abdelatif Benachenhou, l'ancien ministre des Finances, bien proche de Bouteflika. Le retour de Chakib Khelil laisse ainsi croire à d'autres retours de hauts cadres limogés, dit-on, par le président «juste pour montrer aux officines noires qui existaient il y a peu, qu'il est capable de sacrifier ses plus grands amis pour arriver à ses fins et atteindre ses objectifs. »
Saadani juge le gouvernement Sellal
En tout cas, les reproches de Saadani sur la gestion de l'économie nationale ont été percutants et pertinents. Il accusera le secteur de l'habitat de ne pas consacrer un « millier » de logements pour les ressortissants algériens à l'étranger. Il rappellera l'hostilité de son parti à l'égard de la disposition constitutionnelle 51 privant les nationaux résidants à l'étranger de prétendre à de hautes fonctions de l'Etat. Mais à décrypter ses propos, l'on peut croire qu'il avance une accusation (teintée) contre Ouyahia « pour avoir fourgué, à la dernière minute, un article aussi discriminatoire dans la nouvelle Constitution ». L'on s'interroge alors sur l'utilité de ce dernier droit de regard que détient le président de la République sur la révision de la loi suprême du pays « pour ne pas faire passer de tels articles ».
Mais l'on se demande surtout « si ce n'est pas un traquenard que d'avoir laissé passer de telles inepties dans la Constitution pour disqualifier tous les responsables dont les actions sont depuis longtemps jugées pernicieuses, donc ne pourront s'accommoder avec ce qui va suivre comme changement au sein du régime et des hautes institutions de l'Etat ».
Pris un par un, les propos tenus hier par le SG du FLN pourraient être annonciateurs de nouveaux changements de personnels politiques devenus encombrants et le deviendront certainement plus après l'adoption des séries de lois conçues, dit-on, pour soutenir et conforter les nouvelles dispositions constitutionnelles. L'on peut même entrevoir entre ces jugements, un changement de gouvernement qui risque d'emporter un grand nombre de ministres jusque-là sûrs des effets positifs de leur rapprochement avec la présidence de la République.
Saadani s'attaquera ainsi aux ministres des Finances, le gouverneur de la Banque d'Algérie, du Tourisme en lui reprochant de ne même pas savoir faire nettoyer les plages, à celui de l'Habitat… Pour faire simple, ses attaques sur les modes de gestion des affaires économiques du pays peuvent être adressées à tout le gouvernement et pourquoi pas à son 1er ministre. Abdelmalek Sellal n'a pas été certes cité nommément par le SG du FLN mais en pointant du doigt la bureaucratie au niveau du secteur financier, Saadani pourrait faire arriver au ministre de l'Intérieur dont une des missions principales et de débloquer le développement local et déverrouiller l'administration publique mais surtout d'atteindre le 1er ministre qui a mis en avant dès sa prise de fonction en tant que tel, l'assainissement de l'administration publique des mauvaises pratiques et la réhabilitation du service public.


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