De tous ses collègues, le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, était celui qui paraissait avoir la meilleure assise au gouvernement. On le disait candidat à la succession d'Abdelmalek Sellal à la tête de l'Exécutif. Les mauvaises langues lui prêtaient même une indiscipline, une révolte contre l'autorité du Premier ministre, sans que cela le fasse réagir. Au demeurant, Il ne faisait rien pour démentir tous les bruits qui couraient à son sujet et à propos de son ambition. Il faut croire qu'il ne ressentait pas la nécessité de le faire, lui, qui pouvait, plus que quiconque, se réclamer de la proximité de Saïd Bouteflika, le frère cadet du président de la République. Cela c'était avant que n'éclate le scandale Panama Papers qui a révélé sa possession d'une société offshore, au Panama, créée alors qu'il était ministre en exercice. Le coup est terrible pour cet homme qui se voyait un destin politique des plus prometteurs. Et comble de malheur pour lui, cela est intervenu au moment où il s'apprêtait à conclure des projets dans l'industrie avec un partenaire étranger, français plus précisément. La tenue du comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) algéro-français, samedi et dimanche, exposait Abdeslam Bouchouareb à la sollicitation médiatique qu'il a fuie jusque-là. Situation délicate pour un ministre qui se sait au centre de l'intérêt des médias, et qui doit, donc, se rendre à un exercice de funambule pour être du CIHN tout en évitant la presse. Prouesse plutôt réussie. Mais la dérobade à eu pour résultat de trahir l'immense gêne d'un ministre devenu subitement encombrant et qui doit se faire le moins visible possible. Dimanche, Bouchouareb était ostentatoirement mal à l'aise. Ça se voyait à ses bafouillages lorsqu'il a eu à introduire la cérémonie de signature des contrats. Ça se voyait aussi dans l'attitude du Premier ministre à son égard, un Premier ministre a surveillé attentivement ses propos pour lui demander d'épiloguer son allocution par l'annonce des contrats dont la signature a été ajournée. Une remarque qui n'était pas pour rendre moins confus un Bouchouareb qui, parmi les ratages du CIHN, devait annoncer l'ajournement de la signature du projet Peugeot pour le besoin de davantage de "maturation". Un ajournement que d'aucuns soupçonnent dicté par des considérations politiques, surtout que, deux jours auparavant, le même ministre de l'Industrie s'est, comme par enchantement, rappelé qu'il y avait un projet en rade, celui du constructeur automobile allemand Volkswagen, qu'il fallait libérer des contraintes administratives. Petit châtiment ou disgrâce définitive ? Manuel Valls et son ministre de l'Industrie, Emmanuel Macron, n'ont certainement pas eu besoin d'explication de texte pour saisir le message. Abdeslam Bouchouareb, qui devait, pour sa part, assumer cette inattendue préférence pour les Allemands, aurait vite compris sa douleur, d'autant qu'il se disait que c'était son département qui mettait les bâtons dans les roues de Volkswagen. Cela dit, ce qui est sûr, c'est que les vents ont tourné et le ministre de l'Industrie et des Mines a perdu de sa superbe. L'incertitude plane, désormais, sur son avenir politique, à commencer par sa pérennité ou pas au sein du gouvernement qui devrait être remanié, selon de bonnes sources, vers la mi-mai prochaine. Arrogant et excessivement porté sur les polémiques qu'il engage à tout venant avec certains industriels nationaux dont il a fait une cible de prédilection, Bouchouareb mettait déjà à mal le gouvernement qu'il entraînait à sa suite. Il le met dans une situation encore plus gênée aujourd'hui qu'il se trouve éclaboussé par le scandale d'évasion fiscale. Un scandale révélé par les Panama Papers dont les médias français se sont saisis pour évoquer, certainement à dessein, la corruption qui touche les proches du président Bouteflika et provoquer, en réaction, un esclandre diplomatique. Ses amis au pouvoir et dans le sérail doivent lui en vouloir d'avoir été si imprudent au point de se risquer à une activité offshore et, corrélativement, fragiliser les perspectives politiques qu'ils se donnent : l'organisation de la succession à Bouteflika, en premier lieu. Une succession à laquelle la France semble vraiment s'intéresser. S. A. I.