Au-delà de l'usage fait des révélations du scandale planétaire Panama Papers, pour que l'on crie, aujourd'hui, à un complot orchestré par des lobbies occidentaux, n'y a-t-il pas eu, au commencement, création de sociétés offshore et, donc, fraude fiscale ? Des scénarios dignes des feuilletons de science-fiction sont, depuis quelques jours, avancés, comme pour noyer le désormais scandale mondial d'évasion fiscale dans les eaux panaméennes. C'est ainsi que les révélations sur la création de sociétés offshore par des proches des présidents russe Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping, ont été présentées comme un complot dirigé par les Occidentaux contre leurs adversaires. Le gouvernement algérien, dont un membre est cité dans cette affaire scabreuse, en l'occurrence le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, tente, coûte que coûte, de surfer sur cette vague : l'argument de la "complotite" ! C'est ainsi que l'illustration d'un article du quotidien français Le Monde, sur l'implication de personnalités de l'entourage du Président dans le scandale, par l'image d'Abdelaziz Bouteflika, a vite été interprétée comme une conspiration contre la stabilité de l'Algérie. Que Le Monde ait, à tort ou à raison, publié la photo d'Abdelaziz Bouteflika à la Une de son édition et pas seulement, puisque d'autres chefs d'Etat dont l'entourage est cité, ont eu droit au même traitement, en quoi cela absoudrait Abdeslam Bouchouareb d'avoir effectué des placements offshore ? Que les autorités algériennes aient protesté auprès des officiels français contre le traitement qu'ont réservé les médias de l'Hexagone au scandale Panama Papers peut s'entendre, mais cela, encore une fois, devrait-il, pour autant, empêcher la justice algérienne d'enquêter sur le bien-fondé des révélations concernant le ministre de l'Industrie, comme il a été procédé de par le monde ? Au lendemain de l'éclatement du scandale, et quand bien même des politiques de pays comme la France, l'Espagne, les Pays-Bas, l'Irlande... n'auraient pas encore été cités, leurs justices et leurs fiscs respectifs ont été mis en état d'alerte. Des enquêtes ont été, systématiquement, déclenchées pendant que certaines personnalités citées, à l'exemple du Premier ministre islandais Sigmundur David Gunnlaugsson, ont eu la décence de remettre leur mandat public. Une culture qui, décidément, prend tout le sens de sa négation dans les pays du tiers-monde. Au Pakistan, par exemple, l'affaire Panama Papers a été qualifiée par le Parlement de "conspiration satanique". Ce sont donc les enfants du Premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, qui dissimulent des fonds dans des paradis fiscaux, mais c'est la faute à Satan. Que le milliardaire et "capitaliste" hongrois, George Soros, soit l'un des contributeurs financiers du Consortium international des journalistes d'investigation (Icij), ou encore que la CIA ou le Mossad soient derrière la fuite des documents, n'y a-t-il pas eu, au commencement, la création de sociétés offshore et donc évasion fiscale ? Le comble de la théorie du complot réside, justement, dans le fait que des dirigeants de monarchies dissimulent de l'argent loin, à l'abri de la misère de leur peuple, et accusent le reste du monde de faire état de leurs pratiques douteuses. Mehdi Mehenni