Deux années dans un mandat de trop ne peuvent qu'être économiquement improductives, politiquement improbables et diplomatiquement décevantes. Abdelaziz Bouteflika a bouclé, hier, la deuxième année de son quatrième quinquennat d'affilée à la tête de l'Etat. Un anniversaire qui, une fois n'est pas coutume, n'aura pas été célébré en grande pompe, carrément occulté, à vrai dire. Cette inhabituelle réserve officielle par rapport à l'événement est certainement résignée. Pour au moins deux raisons : absence de réalisations qui auraient pu justifier la convocation d'une fanfare et, surtout, une contrariété politico-diplomatique provoquée par les révélations des Panama Papers et les prolongations qu'elles ont connues dans le sillage de la récente visite du Premier ministre français Manuel Valls en Algérie. Physiquement diminué des suites de son AVC en avril 2013, soit à une année du quatrième mandat, le chef de l'Etat a vu, depuis, ses activités réduites au strict minimum. En effet, depuis sa reconduction dans sa fonction de magistrat suprême le 17 avril 2014, le président Bouteflika n'a accompli aucune mission diplomatique à l'étranger, n'a effectué aucune visite de travail dans les wilayas et ne s'est rendu à la présidence de la République qu'en de rares fois pour présider des Conseils des ministres également très rares. Il n'a aussi prononcé aucun discours à la Nation, se limitant à délivrer des messages que ses conseillers lisaient en son nom. Incontestablement, cette incapacité du chef de l'Etat à assumer pleinement ses charges constitutionnelles a impacté sur les institutions qui ont, par conséquent, connu un ralentissement drastique du rythme de leurs activités. Au niveau économique, les choses ne s'étaient pas mieux présentées durant la seconde année du quatrième quinquennat. La forte chute du prix du baril de pétrole sur les marchés internationaux a entraîné une baisse de la cadence économique par rapport à ce qu'elle était durant les années d'opulence. Le gouvernement s'est retrouvé contraint, dès l'automne 2015, de revoir sa copie et de prôner une politique d'austérité économique, laquelle s'est déclinée en des ajournements de plusieurs projets d'investissements et l'élargissement de l'assiette de la fiscalité ordinaire et la hausse de nombreuses taxes. Ces révisions économiques déchirantes intervenues entre ces dix derniers mois sont la preuve tangible de ce que la longévité de Bouteflika à la tête de l'Etat n'a pas permis de rompre la dépendance aux hydrocarbures. Pour le gouvernement, il se voit bien qu'il n'y a pas de quoi pavoiser. D'ailleurs, même si l'envie de lustrer le tableau était venue à le prendre, le moment est inapproprié, avec ce coup pernicieux que nous a joué Manuel Valls qui s'est rendu à l'inélégance d'aggraver l'irritation nationale officielle déjà provoquée par le journal Le Monde qui a associé la photo de Bouteflika au scandale planétaire d'évasion fiscale au Panama. Par le tweet de son entrevue avec le président Bouteflika, geste considéré pour le moins inamical, le Premier ministre français a non seulement titillé le sentiment national, mais aussi et surtout instillé le malaise au sein du gouvernement qui, faut-il le répéter, porte une responsabilité dans ce qui s'est produit. Il va sans dire en effet que la responsabilité de maintenir l'entrevue alors que Bouteflika était, pour paraphraser Ahmed Ouyahia, dans un "mauvais jour" lui incombe, sinon totalement, du moins en partie. L'image d'un Bouteflika physiquement diminué et peu lucide, twittée par Valls, n'incite donc pas aux célébrations, tant est qu'elle rappelle avec force que le quatrième mandat est vraiment un mandat de trop. Et, deux années dans un mandat qui n'aurait pas dû avoir lieu ne peuvent qu'être économiquement improductives, politiquement improbables et diplomatiquement décevantes. S. A. I.