Ahmed Ouyahia a impliqué la responsabilité des autorités françaises dans une exploitation "tendancieuse" de l'image du chef de l'Etat. À Amar Saâdani, il rétorque : "J'ai la confiance du Président." La réplique du cercle présidentiel à la diffusion d'une image, montrant le chef de l'Etat diminué physiquement, était attendue de la bouche du secrétaire général du FLN, Amar Saâdani. Elle a émané de son homologue du RND, Ahmed Ouyahia. Ce dernier a exploité, hier, la tribune d'une rencontre organique à Alger (congrès régional des wilayas du Centre) pour rendre quelques coups à ceux qu'il accuse d'être derrière une campagne de dénigrement contre l'institution présidentielle : les autorités et la presse française, en l'occurrence, appuyées par "des relais locaux". "On ne peut pas vouloir un partenariat d'exception et dans le même temps avoir des actes désobligeants", a asséné le SG du RND par intérim, admonestant ainsi le Premier ministre français pour sa duplicité. En clair, Manuel Valls, au regard d'Ahmed Ouyahia qui semblait davantage parler à ce moment-là en qualité de ministre d'Etat directeur de cabinet de la présidence de la République, a tweeté une photo de son audience avec le chef de l'Etat alors qu'il s'échinait à faire aboutir, en faveur de son pays, des négociations autour de contrats économiques juteux. Il aurait agi par esprit de revanche après avoir failli dans sa mission. "Même si l'on ne peut pas leur imputer l'entière responsabilité de l'incident, les pouvoirs publics français assument ainsi une position", a-t-il soutenu. Mettant davantage d'âcreté dans le ton et sans craindre de provoquer un séisme diplomatique, il a pointé du doigt des "colonialistes revanchards", qui n'admettent pas "que l'Algérie défende ses intérêts régionaux, où qu'elle dénonce les atteintes à ses propres institutions à leur tête le président de la République ou mieux encore que le partenariat algéro-français doit servir les intérêts des deux pays". De son point de vue, la France a "sorti un pétard, une photo". Pour attester que le palais d'El-Mouradia n'a point cherché à cacher ce que l'on a voulu démontrer par la publication de la fameuse image, Ahmed Ouyahia a certifié que "le chef de l'Etat aurait pu invoquer un agenda chargé pour ne pas recevoir Manuel Valls. Il ne l'a pas fait, même s'il n'était pas dans un bon jour". Du tac au tac, il a rappelé l'épisode de l'ex-ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, qui a roupillé durant une réunion avec le ministre de l'Industrie et des Mines, à Alger en juin 2014. "Il y a deux ans, jour pour jour, 82% des électeurs ont donné leurs voix au candidat Bouteflika en sachant qu'il n'a plus la santé de 1999", a-t-il rappelé sous forme d'argument irréfutable à la thèse "d'un peuple qui continuera à soutenir le Président", jusqu'au terme de son quatrième mandat, sauf si la mort s'interpose. "Ceux qui visent la présidentielle attendront 2019." Sans transition, le patron du RND a sonné le glas "au temps des manœuvres". Aussitôt, il s'en est pris à l'opposition à la haute administration de l'Etat, coupée, à son avis, "du peuple, et enfermée dans les salons et quelques sites sur la Toile". Sans vraiment préciser l'objet ni les visées de ses attaques, Ahmed Ouyahia a déclaré que "les lobbies de l'argent sale cherchent le pouvoir. Ils accaparent les médias. Si on ouvre les dossiers, ils se noieront dans un océan". Il a, en revanche, tenté de blanchir le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, avec lequel il a une grande proximité dans le cadre partisan. Il a soutenu que le membre du gouvernement incriminé a créé son entreprise en offshore au Panama avant d'intégrer l'équipe d'Abdelmalek Sellal. Sans se compromettre, outre mesure, par des déclarations franches, il a œuvré à jeter la suspicion sur une quelconque velléité de M. Bouchouareb à frauder le fisc, telle que le suggère l'apparition de son nom dans le scandale dit de Panama Papers. "Est-ce que les capitaux d'Abdeslam Bouchouareb sont sortis du pays ? Je ne le sais pas", a-t-il répondu évasif. La justice algérienne se saisira-t-elle de cette affaire pour démêler le faux du vrai ? "Je n'ai pas à parler au nom de la justice. Je ne suis qu'un justiciable", a-t-il esquivé encore. Il a tout aussi bien évité d'évoquer le cas Chakib Khelil. "J'en ai déjà parlé pendant 14 minutes", allusion faite à son intervention récente sur une chaîne de télévision privée. Bien entendu, il n'a pu éviter d'être épinglé sur la guerre des tranchées qui l'oppose au secrétaire général du FLN. Amar Saâdani a récemment déclaré qu'Ahmed Ouyahia devrait quitter le cabinet du président de la République car "il n'est pas digne de confiance". Le patron du RND ne s'est pas encombré d'un long discours pour répondre à son détracteur. "Ces paroles n'engagent que leur auteur. Moi, je suis honoré par la confiance que le chef de l'Etat met en ma personne." Il est resté, toutefois, muet sur ses ambitions de briguer la magistrature suprême en temps opportun. "Je ne suis même pas sûr d'être toujours en vie le jour de mon prochain anniversaire, au mois de juillet", a-t-il éludé dans un sourire narquois. Ainsi, l'homme n'a plus jamais parlé de sa rencontre avec le destin. Souhila Hammadi