Les habitants de la z'niqa Benaïssa-Malaïka, perpendiculaire à la rue Amar-Ali, à la Basse-Casbah, s'exposent au danger d'être engloutis dans les trous que couvrent de hasardeuses feuilles de contre-plaqués et d'éternit. Du reste, le mieux est d'escalader l'ancienne rue Caton en rasant le mur et de faire attention où poser le pied, sous peine de s'enfoncer dans d'abyssaux trous qui, apparemment, sont des travaux de fouilles laissés là en l'état ! En témoignent l'amas de pavés et le foisonnement de terre rangé de part et d'autre de la venelle, notamment à hauteur de la première et de la seconde impasse situées au sommet de côte. Le cas est d'autant inquiétant, notamment à l'encoignure de la mosquée Farès, où l'image du hammam Sidi Abd-El-Kader tout étayée de bois, augure d'un péril d'autant patent. Mais qu'à cela ne tienne, puisqu'en ce lieu-ci, où il y a de la vie, une nuée de fins gourmets s'agglutine chez le tabakh, histoire de déguster un plat de sardines frits à côté de l'ancienne synagogue juive du rabbin Bloch d'Alger. Seulement, et en fin d'ascension jusqu'à la deuxième impasse Laïd-Bensaïd, s'offre au regard du visiteur un jardin enjolivé d'un amandier, un néflier, un citronnier et d'un rosier ! Authentique ! du fait que l'œuvre florale de madame Benayache Messaouda, dite Souad, orne l'endroit où il y a eu l'effondrement d'un îlot de trois douerat, dont dar Boursas, Lâadaouri et Benkanoun, nous dit-on. "Elle y met du sien et de son... argent pour motiver les jeunots de la houma à évacuer les gravats vers la décharge publique. Et depuis, c'est un plaisir que de se vautrer dans ce jardin mitoyen du lieu de natalité de l'acteur Sid Ahmed Agoumi", a-t-on su de notre guide Hocine Sid Ahmed. Adoptée par la séculaire médina d'Alger, Souad est native de la côte du Saphir, à Jijel, et a même collaboré à la fondation Casbah aux côtés de Belkacem Babaci, ce chercheur en histoire, nous disant que "le jardinage est l'une de mes passions qui m'apporte joie et gaîté puisqu'il offre au voisinage et au visiteur, l'image de la Casbah où l'on sentait autrefois le jasmin et lahbek. D'ailleurs, je n'attends rien de l'Autorité, du fait que c'est ma façon de militer pour la sauvegarde d'un patrimoine universel. D'ailleurs, j'envisage d'ouvrir mon jardin aux artistes-peintres pour peu que le beylik consent à réparer la chaussée et à colmater la fuite de l'égout qui suinte des vestiges de la douéra d'en face." L'appel sera-t-il entendu à la veille de ce mois du patrimoine ? Nous quittons notre hôtesse avec la peur d'affronter les fouilles sur notre itinéraire de retour. Inconscience ou parce qu'ils n'ont pas le choix, l'état de délabrement de l'ancienne rue Caton ne dissuade pas d'un iota le charivari bon enfant d'ouled el houma qui gambade dans les escaliers, comme du temps où il faisait bon vivre en cet endroit si chargé d'histoire. L. N.