Résumé : Meriem s'endort sans dîner. Elle se réveille et sent tout de suite son estomac gargouiller. Elle se rend alors dans la cuisine pour réchauffer du lait. Elle vient de traverser le salon en faisant très attention pour ne pas faire du bruit et réveiller sa belle-mère. Elle referme la porte de la cuisine derrière elle et prend une casserole dans laquelle elle verse un peu de lait. Elle allume la gazinière et attend que le breuvage soit assez chaud. Dans l'intervalle, elle prend un morceau de galette et se met à mordre dedans. Jamais elle n'avait eu autant faim, sauf durant les journées du ramadhan lorsqu'elle s'initiait au jeûne. Et encore, même durant ces jours-là, elle pouvait manger à satiété avant l'appel à la prière de l'aube. Le lait est enfin chaud. Elle s'en verse un verre et s'assoit pour le boire en mordant toujours dans sa galette. À peine a-t-elle avalé quelques gorgées que la porte de la cuisine s'ouvre toute grande devant elle. Houria, les mains sur les hanches, la toise avant de cracher son venin : -Espèce de voleuse ! Tu n'as pas honte de dérober le lait de ton frère ? Meriem faillit s'étrangler avec le bout de galette qui lui resta en travers de la gorge. Elle suffoque et se lève pour tenter de dégager son gosier, mais il fallait que sa marâtre lui donne de grandes claques dans le dos pour qu'elle arrive enfin à reprendre son souffle. Mais Houria continuait à lui donner des coups. Elle tente d'esquiver ses taloches et se protège les visage avec ses mains en s'enfuyant de la cuisine. Sa belle-mère la suit et la traite de tous les noms. Meriem, plus morte que vive, ouvre toute grande la porte de la maison et sort dans la neige et le froid. Elle frissonne dans sa petite tenue de nuit et ses pantoufles, mais n'ose pas retourner dans la maison. Elle regarde autour d'elle et constate que le jour était à peine levé. Quelques lumières et la fumée des cheminées indiquaient que les gens étaient encore au chaud chez eux. Chez qui pourra-t-elle se rendre pour réchauffer son petit corps déjà ankylosé ? Elle se rappelle de Daouia, la femme du berger, qui, la veille, avait été tellement gentille avec elle. Sans trop réfléchir, elle traverse le pré qui la séparait de sa maison et tape à la porte alors que ses mains et ses pieds commençaient à se rigidifier. On lui ouvre à peine, qu'elle perdit l'équilibre et se jette dans les bras de Daouia. La première surprise passée, la jeune femme l'entraîne vers le feu qui brûlait dans la cheminée et court chercher une couverture pour lui couvrir les épaules et le dos. Meriem reprend des couleurs et se frotte les mains. Elle tousse et prend une lente inspiration, avant d'accepter le verre de lait tout chaud que Daouia lui tendait. Ses mains tremblaient encore, et sa bienfaitrice l'aidera à ingurgiter le breuvage, avant de l'aider à s'allonger sur une peau de mouton devant le feu et à couvrir son corps d'une seconde couverture. Meriem se sent mieux et ferme les yeux pour s'endormir aussitôt. Une bonne odeur d'oignon et de viande la réveille. Les effluves d'épices titillent ses narines. Elle lève en se demandant où elle se trouvait. Elle regarde la cheminée où un bon feu crépitait, puis jette un coup d'œil alentour. Elle était dans une maison qui lui était étrangère. Enfin, la mémoire lui revient. Elle se rappelle de Houria et de la scène qu'elle avait eue avec elle le matin même, avant de s'enfuir de la ferme. Elle portait encore sa chemise de nuit, et ses cheveux lâchés tombaient en cascade sur ses épaules. -Tu es enfin réveillée ! Elle se retourne pour rencontrer le sourire bienveillant de Daouia. -Tu as sûrement faim ma pauvre fille. Meriem sent ses tripes se nouer. Non seulement elle était affamée, mais avait encore très peur. Le souvenir de sa belle-mère qui courait derrière elle pour la tabasser était encore trop frais dans son esprit. Comment fera-t-elle donc pour rentrer à la maison ? Houria va-t-elle la frapper encore ? Ou pire, la répudier ? Où ira-t-elle alors ? Comme si elle lisait dans ses pensées, Daouia la rassure -Tu passeras la journée chez moi, Meriem. Je suis allée voir ta belle-mère afin de la rassurer sur ton compte. Elle n'était pas trop inquiète à ton sujet et m'a dit que tu peux rester ici si cela te chante. Elle ne te porte pas dans son cœur, ma pauvre chérie. Pourquoi es-tu donc rentrée seule pour supporter ses crises de colère ? (À suivre) Y. H.