Résumé : Réprimandée et tabassée par sa belle-mère, Meriem trouve refuge chez Daouia, la femme du berger. La jeune fille se repose puis se réveille et entame une discussion avec son hôtesse. Cette dernière lui propose de passer la journée chez elle. Amar a-t-il bien fait d'envoyer sa fille au bled ? Meriem baisse les yeux et refoule ses larmes : -Je suis venue passer quelques jours de vacances. Mon père y tenait. -Je le comprends fort bien. Amar pensait bien faire. Hélas ! Tout le monde sait au village que Houria est ingrate et mauvaise. Elle a eu une chance inouïe d'épouser un homme tel ton père. Elle ne mesure pas encore les conséquences de son comportement envers lui et surtout envers toi. Meriem baille et tente de répondre le plus sagement possible : -Je crois que Mma Houria est encore sous le choc de la disparition de Ghania. -Et ton père donc ? Et toi ? Tout le monde a été choqué par ce qui était arrivé à cette pauvre enfant. -Houria croit que je porte la poisse. Daouia demeure muette de stupéfaction : -Tu portes la poisse ! Toi ? Un ange comme toi ne peut pas porter la poisse. C'est plutôt elle le porte-malheur de la famille. -Daouia, je n'aime pas trop parler d'elle. La jeune femme se ravise : -Je suis folle. Je parle de cette mégère, alors que tu dois crever de faim. Elle se lève et dépose devant elle du lait, du beurre et des tranches de pain de seigle : -Mange, ma fille. Nous sommes peut-être pauvres, mais pas ingrats. C'est grâce à ton père que nous sommes à l'abri du besoin. En ton honneur, j'ai préparé un couscous avec une bonne sauce épicée et du poulet pour le déjeuner. En attendant, bois ton lait pendant qu'il est encore chaud. Meriem passe la journée à dormir et à paresser devant la cheminée. Elle apprécia l'atmosphère chaude de la pièce et admira la célérité de Daouia qui se déplaçait ici et là ou montait à la soupente pour récupérer des grains ou des figues sèches. Comme son mari était absent, elles avaient déjeuné ensemble, et la jeune fille avait trouvé le couscous succulent. Daouia lui tendit quelques figues sèches et une assiette de farine de petits pois dans laquelle elle avait rajouté de l'huile d'olive : -Prends ces figues sèches et trempe-les dans ce mélange. C'est délicieux et très consistant. Tu vas tout de suite apprécier. Meriem prend une figue sèche et l'enrobe dans le mélange puis la porte à sa bouche. Elle en aima le goût sucré et la sensation de la farine gorgée d'huile dans sa bouche. -Hum ! C'est succulent. -Tu devrais en manger souvent Meriem. Tu es toute pâle et amaigrie. Tu ne dois pas bien te nourrir en France. -Nous mangeons bien pourtant. Papa veille à ce qu'il y ait toujours de bonnes choses à la maison. -Mais pas les choses nécessaires à l'épanouissement d'un corps d'adolescente comme le tien. Regarde donc les filles de notre village. Elles ont toutes des joues roses, et les rondeurs de leurs corps sont des plus enviables. Le grand air et la nourriture naturelle et saine ne sont pas étrangers à leur bien-être. -Tu dis peut-être vrai. À Paris, la pollution et le brouillard te font vite regretter le soleil et le grand air de chez nous. -Profites-en donc pendant que tu y es. Si tu veux, demain je t'emmènerai dans les pâturages. Ali aime laisser son troupeau prendre ses aises, et lui-même ne quitte jamais son poste sous les oliviers, sauf si le mauvais temps l'y contraint. Meriem exulte. -C'est formidable ! Je n'aimerais rater cette sortie pour rien au monde. -Prions donc qu'il fasse beau ou du moins que la pluie ou la neige ne s'en mêlent pas trop. Meriem battit des mains : -Notre village est tellement beau. Hier, j'ai admiré les hautes montagnes couvertes de neige. C'est tout simplement magnifique. -Tu devrais t'habiller chaudement pour sortir par ce froid saisonnier. Meriem jette un coup d'œil à son pyjama et à ses pantoufles. -Toutes mes affaires se trouvent là-bas. À la ferme. Daouia pousse un soupir : -Tu as ramené des vêtements chauds ? -Oui. Mais comment faire pour les récupérer ? (À suivre) Y. H.