Mohamed-Chérif Belmihoub, professeur en économie et management, estime que d'après les données disponibles, les vrais problèmes n'ont pas été traités : le déficit budgétaire, l'investissement dans la sphère productive et son corollaire le financement de l'économie par le marché. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a présenté, dimanche, lors de la tenue de la réunion de la tripartite, les grandes lignes du nouveau modèle de croissance économique. Mais il est resté évasif sur le contenu et sur les objectifs chiffrés. "On est resté sur des généralités", reconnaît Mohamed-Chérif Belmihoub, professeur en économie et management et consultant. M. Belmihoub note trois idées dans le communiqué final de la tripartite : "Une transition avec une adéquation des politiques publiques et sectorielles ; une rénovation de la gouvernance économique et l'émergence des facteurs de marché, le tout pour sortir graduellement de la dépendance des hydrocarbures." Sur le concept, le professeur Mohamed-Chérif Belmihoub affirme qu'"il n'y a rien à dire". Mais au plan opérationnel, estime-t-il, "ces mots n'ont aucune signification, s'ils ne sont pas intégrés dans des politiques économiques et des politiques publiques". Donc tout reste à faire de son point de vue. "D'après les données disponibles, les vrais problèmes n'ont pas été traités : le déficit budgétaire, l'investissement dans la sphère productive (entreprises) et son corollaire le financement de l'économie par le marché", relève M. Belmihoub, préférant parler de nouvelle politique économique ou de nouveaux instruments de la politique économique. "Il ne s'agit pas de modèle, car la notion de modèle renvoie à une construction optimale, achevée, cohérente et intégrée ; il s'agit au mieux d'une nouvelle politique économique" ou "de nouveaux instruments de la politique économique", soutient-t-il, estimant que ces questions n'ont pas été évoquées de manière directe. "On peut comprendre que l'adéquation des politiques publiques et sectorielles signifie une rationalisation de la dépense publique et surtout sa meilleure efficacité ; dans ce cas quels sont les secteurs ou les postes budgétaires qui seront sacrifiés (soit à travers les dotations budgétaires, soit à travers les subventions directes)", s'interroge le professeur. "Par la rénovation de la gouvernance économique on peut comprendre le traitement de la lancinante question de la gestion du secteur public marchand et sa privatisation ; ainsi que la réforme du système bancaire et des administrations publiques de manière générale", a-t-il ajouté. Pour Mohamed-Chérif Belmihoub, l'émergence des facteurs marché est la vraie question à poser. "Il s'agit en fait de la redoutable question de la régulation de l'économie nationale : la part de l'Etat, celle du marché et la promotion de la concurrence saine et loyale pour arriver à une allocation efficiente des ressources", précise le professeur. Finalement, selon lui, le gouvernement ne veut pas aborder la question du financement de la nouvelle politique économique, parce qu'il sait qu'il n'a pas une marge de manœuvre sur ce registre ; déjà que le financement du déficit est un casse-tête pour lui. "L'hypothèse implicite est celle qui consiste à dire que la nouvelle politique économique crée sa propre dynamique et dégagerait ses propres ressources. Il faut avouer que si c'est ça la démarche, on est encore dans des postures d'attente de redressement des prix du pétrole", soutient M. Belmihoub. Pour ce dernier, cette hypothèse tient la route dans un seul cas : transformer immédiatement et en profondeur la gouvernance économique du pays et mobiliser les compétences en rapport avec la nouvelle gouvernance, c'est à dire portée par des élites capables de produire des visions, des stratégies, des politiques publiques, des modes de gestion et des évaluations et libérées des contingences politiciennes et idéologiques du moment. "La gestion de l'économie par la loi de finances et la loi de finances complémentaire intervenant tous les six mois et les visites autoritaires de chantiers et villes ne constitue pas une gouvernance innovée", estime le professeur Mohamed-Chérif Belmihoub. Meziane Rabhi