Comment le chef de l'Etat, lui-même très diminué physiquement, peut-il faire appel à un homme aussi âgé et, visiblement, éprouvé par les stigmates de la sénescence pour lui servir de conseiller spécial et de représentant personnel ? Attendu depuis longtemps, le remaniement ministériel opéré par le président de la République samedi a été, pour beaucoup d'observateurs, tel cette montagne qui a accouché d'une souris, tant l'opinion espérait un véritable coup de pied dans la fourmilière qui permettrait de remobiliser la société à un moment où la crise financière commence à poindre le bout de son nez. Mais, visiblement, c'était compter sans cette maladie incurable, marque déposée des tiers-mondistes de la politique, qui veut que l'on s'accroche au pouvoir coûte que coûte. Quelques réaménagements donc et puis s'en va. Mais comme le diable se cache dans le détail, le léger lifting effectué a comporté dans la foulée une nomination qui a choqué plus d'un, en l'occurrence la désignation de Boualem Bessaih, au poste de ministre d'Etat, conseiller spécial et représentant personnel du président de la République. Rien que ça. Du haut de ses 86 ans, l'homme dont le parcours se confond curieusement avec le cheminement du système politique en Algérie depuis l'Indépendance, voire même avant puisqu'il était, de 1959 à 1962, membre du secrétariat général du Conseil national de la Révolution algérienne, pourrait figurer dans le Guinness des records pour sa longévité politique inégalée. Sa réapparition sur la scène à cet âge-là, à la faveur de sa désignation par Bouteflika, est digne du film fantastique français "Les revenants". Comment le chef de l'Etat, lui-même très diminué physiquement, peut-il faire appel à un homme aussi âgé et, visiblement, éprouvé par les stigmates de la sénescence pour lui servir de conseiller spécial et de représentant personnel ? Ce retour, véritable pied de nez à la jeunesse algérienne qui constitue la grande majorité de la population du pays, apparaît comme un désaveu pour les propres promesses du président Bouteflika, lui qui appelait, lors de son fameux discours de Sétif, en mai 2012, cette même jeunesse à reprendre le flambeau, mais sans dire comment. Les réseaux sociaux se sont d'ailleurs très vite enflammés à l'annonce de cette désignation d'un dinosaure parmi les dinosaures de la politique en Algérie. Il suffit de jeter un coup d'œil sur le parcours atypique de celui qui demeure un des symboles du parti unique pour s'en rendre compte. Il réussira la gageure de survivre à tous les régimes qu'a connus le pays, depuis Ben Bella jusqu'à Bouteflika. Membre du secrétariat général du CNRA de 1959 à 1962, il sillonnera, à l'Indépendance, les capitales européennes et arabes (Berne, Le Vatican, le Caire, Koweït City, Rabat), en tant qu'ambassadeur jusqu'à sa nomination, en 1971, au poste de secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. En 1979, il fait son entrée au gouvernement et occupera dix ans durant, successivement, les postes de ministre de l'Information, ministre des Postes et Télécommunications, ministre de la Culture et enfin ministre des Affaires étrangères en 1988. En 1997, il est nommé membre du Conseil de la nation, au titre du tiers présidentiel, puis élu président de la Commission des affaires étrangères de la 2e chambre du Parlement. Désigné en janvier 2001 ambassadeur auprès du Royaume du Maroc, M. Bouteflika le rappelle en septembre 2005 pour la présidence du Conseil constitutionnel. Et ce n'est visiblement pas terminé pour lui, même à 86 ans, puisqu'il vient d'accéder à une énième invitation de son ami Bouteflika qui le désigne conseiller spécial et représentant personnel. L'opinion reste ébahie par le type de message que la présidence de la République voudrait envoyer à la faveur de cette désignation pas comme les autres. Et si message il y a dans cette nomination, il faut dire qu'il ne pouvait y avoir pire. H. S.