La nouvelle séquence de cette guerre à rebondissements épisodiques n'est pas sans lien avec la préparation du prochain congrès et, au-delà, la succession à Bouteflika. Visiblement, au FLN, la crise est une suite interminable de séquences alternant les acteurs. Dans le sillage de la contestation menée depuis de longs mois par une dissidence qui se distingue comme mouvement du redressement du FLN, un conflit, encore plus éprouvant, a germé, quasiment sans signes avant-coureurs, dans les entrailles du parti. Ce conflit, de plus en plus perceptible, met aux prises deux personnalités fortes du FLN, en l'occurrence le secrétaire général Amar Saâdani avec le ministre de la Justice et garde des Sceaux, membre influent du bureau politique, Tayeb Louh. Deux hommes que rien ne prédestinait pourtant à une telle guerre de tranchées, tant ils sont non seulement inféodés à la même chapelle politique, mais se sont surtout montrés extrêmement solidaires lorsqu'il a fallu porter le coup de grâce à l'ancien secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem. En août 2013, Amar Saâdani a dû compter sur le concours précieux de Tayeb Louh pour prendre les rênes du FLN. Une accession au secrétariat général du parti qui intégrait le schéma devant permettre au président Bouteflika, malade et convalescent, de se succéder à la tête de l'Etat pour la quatrième fois de suite. Pour rempiler sans coup férir, le président Bouteflika avait nommé les plus fidèles parmi ses partisans aux postes institutionnels clés : Mourad Medelci au Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz au département de l'Intérieur et Tayeb Louh au ministère de la Justice. À la tête du FLN, Amar Saâdani devait compléter le cercle des garants du succès de Bouteflika. La reconduction de Bouteflika a constitué, donc, le ciment de la parfaite entente et de l'étroite collaboration entre Saâdani et Louh. Deal tenu, s'il en est, puisque l'entente n'a pas pu se hisser au-dessus des aléas politiques survenus depuis la réélection de Bouteflika pour un 4e mandat. Les observateurs pensent saisir les relents d'une bataille autour de la perspective de succession à la présidence de la République. "Assurément, Saâdani et Louh enfourchent deux agendas distincts", jure une source proche de la direction du FLN. Mais comment se déclinent ces agendas ? Le secrétaire général du FLN, et c'est un secret de Polichinelle, a la conviction bien établie que c'est au parti, première force politique du pays, qu'il revient sinon choisir, du moins cautionner le profil qui gouvernera. On se rappelle sa diatribe à l'encontre du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, auquel il dénia, dans un propos public, toute épaisseur politique. En somme, Amar Saâdani considère que, lorsqu'elle viendrait à être libérée par Bouteflika, la présidence de la République devrait revenir au FLN. Or, il se trouve qu'au sein du sérail, le consensus autour d'une telle perspective est éloigné. Quoique membre du bureau politique du FLN, le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh, ne se range pas à l'idée de son secrétaire général. Il serait, lui, favorable à une candidature "consensuelle au sein du régime", mais qui ne serait pas forcément du FLN pour succéder à Bouteflika. C'est autour de cette question que se situe la divergence entre Saâdani et Louh qui, du coup, travaillent, chacun de son côté, à structurer un rapport de force à l'intérieur du FLN afin de peser sur les résolutions du prochain congrès du parti. Aussi, les mouhafedhs comme les parlementaires du parti sont courtisés par les deux hommes... jusque-là avec plus de succès par Saâdani. S. A. I.