On assiste à une diminution des liquidités bancaires. Avec une thésaurisation importante et généralisée, ou presque, des réserves de change en chute et des dépôts bancaires transformés en obligations dans le cadre de l'emprunt national pour la croissance, l'inquiétude commence à gagner. Y a-t-il risque majeur sur les liquidités ? Les banques sont-elles en danger ? En contexte de crise, la raréfaction de la ressource était prévisible. Du reste, des experts avaient averti le gouvernement que cela allait se produire, si aucune mesure n'était prise. Il faut rappeler que les ressources dont disposent les banques et établissements financiers proviennent des dépôts de leurs clients. Les ménages et les entreprises performantes dégagent, après impôt, une épargne qu'ils déposent à la banque. Ces dépôts peuvent être alloués, à la fois, aux ménages ou aux entreprises pour leurs besoins de financement, soit en vue d'un investissement ou pour la consommation. Contribuant à l'activité économique et à la croissance économique, les banques vont utiliser ces ressources pour accorder des crédits aux agents économiques et particulièrement aux entreprises. Il est bon de préciser que la principale source de profit pour les banques et établissements de crédit découle des crédits accordés, ceci bien sûr dans le cadre du respect des règles prudentielles, comme le rappelle Ahmed Mokaddem, expert statisticien et économiste. En Algérie, ajoute-t-il, on peut dire que la situation était favorable, avant la détérioration des marchés pétroliers. L'argent coulait à flots et les banques disposaient de fonds, de surliquidités, mais elles ne savaient pas quoi en faire, en raison, entre autres, du manque de capacité d'absorption et du manque de formulation de projets. Elles avaient tout de même injecté, en 2014 par exemple, près de 75 milliards de dollars dans l'économie nationale, soit un accroissement annuel de près de 22%. La situation a changé aujourd'hui. L'aisance financière a été en fait éphémère. Et les banques savaient qu'il fallait se préparer à des temps difficiles ; il fallait compter avec une baisse des revenus pétroliers et des liquidités. Depuis septembre 2015, la liquidité globale des banques s'est établie à 1828 milliards de dinars (15,3 milliards d'euros) contre 2730 milliards un an plus tôt. À court de liquidités, les banques ont commencé à se refinancer auprès de la banque centrale. Elles recourent ainsi à l'escompte, une technique financière permettant d'obtenir de la trésorerie, une méthode classique pratiquée par les banques dans le monde. Cela fait plus de quatorze ans qu'elles n'ont pas sollicité un refinancement par la Banque d'Algérie. Signe des temps, les banques vivaient dans l'opulence à l'époque de Mohamed Laksaci. Elles demandent des refinancements à l'ère Loukal. Elles déposeront dorénavant des bons du Trésor auprès de la Banque d'Algérie qui leur fournira des liquidités en échange. Le problème est que l'injection de liquidités dans l'économie à travers le refinancement des banques va de manière mécanique stimuler les pentes inflationnistes et augmenter la dépréciation du dinar. L'inflation est contenue jusqu'ici dans des proportions raisonnables (4,11%). Mais à force de tirer sur les ressources de la banque centrale, elles finiront par s'effilocher sérieusement. Cela est tout à fait probable, si la déprime des marchés pétroliers s'étire dans le temps. Que faire dans pareille conjoncture ? Pour Ahmed Mokaddem, toutes les options sont ouvertes : dévaluation de la monnaie nationale, planche à billet, endettement extérieur... Mais, ajoute-t-il, cette situation n'est pas inéluctable, pour autant que le gouvernement arrive à créer une dynamique économique, à mobiliser de la ressource. L'expert affirme par ailleurs que l'un des problèmes majeurs, pour l'économie, reste les fonds informels et que des Algériens continueront à fructifier leur argent dans l'immobilier et dans d'autres créneaux, beaucoup plus rémunérateurs, tant que l'épargne est sous-rémunéré par les banques. Y. S.