A la suite d'un plongeon inhabituel des dépôts du secteur pétrolier, les banques de la place ne disposent plus que de près de 1800 milliards de dinars de liquidités dans leurs coffres-forts. Mais les contre-performances du secteur des hydrocarbures ne sont pas les seules à l'origine de cette situation qui, de prime abord, rompt avec les années de surliquidités bancaires. Durant les années du pétrole cher, les banques s'étaient massivement orientées vers le financement du commerce extérieur, un créneau rentable qui a fait florès au préjudice de l'investissement productif. Mais voilà que, depuis juin 2014, le secteur pétrolier essuie des revers en termes de recettes. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les dépôts bancaires du secteur des hydrocarbures ont reculé de 39% durant les neuf premiers mois du dernier exercice, comparativement à 2014. Résultat, les banques de la place ne sont plus en surliquidités. Les disponibilités monétaires sont passées de 2730 milliards de dinars à fin septembre 2014 à 1828 milliards de dinars à fin septembre 2015. A l'origine de cet écroulement : le recul des dépôts du secteur des hydrocarbures qui représentent l'essentiel des provisions bancaires. Mais pas seulement. Depuis le début de l'année écoulée, l'Exécutif tente à la sueur de son front de faire baisser la fièvre des importations qui ronge le corps malade de l'économie nationale. A coups de restrictions bancaires et administratives, la facture des importations a reculé d'à peine 12%. Ce que les banquiers se plaisaient à qualifier de «pression réglementaire» a eu pour effet de les amputer d'une bonne source de profit : les commissions sur le commerce extérieur. Confinées pendant plusieurs années dans un rôle pour le moins commode, les banques se sont affranchies de la collecte de l'épargne et du financement de l'investissement productif. En témoignent les faibles taux de rémunération des dépôts et les intérêts élevés des prêts. En témoignent également les sommes anormalement importantes qui circulent hors circuit bancaire et les faibles crédits accordés à l'investissement productif. «La marge d'intermédiation bancaire (différence entre le taux du crédit et le taux de rémunération des dépôts) est en Algérie une des plus élevées de la région», estime Lies Kerrar, directeur du cabinet de consulting Humilis Finance. Selon lui, les taux de dépôt vont augmenter. Si la marge d'intermédiation ne baisse pas (par plus de concurrence et de performance dans la gestion du crédit bancaire), les taux du crédit, d'après lui, «vont augmenter significativement à un moment où nous avons besoin de financer des investissements pour la diversification de notre économie». C'est parce qu'il n'y a pas assez de concurrence que les taux de dépôt n'ont pas augmenté, tranche Lies Kerrar, contacté par El Watan. Ainsi, les engagements à haut rendement et à moindre risque caractérisaient jusqu'ici la pratique bancaire. Les règles prudentielles de la Banque centrale et la pénalisation de l'acte de gestion y sont pour quelque chose également. Selon de nombreux observateurs, la solvabilité de plusieurs banques pourrait être remise en cause à terme si leurs usages restent en l'état. «Les banques n'auront d'autre choix que de mieux rémunérer les dépôts si elles veulent en attirer davantage. A moins qu'elles se mettent en ‘veilleuse' et restreignent le crédit. Ce qui serait catastrophique pour la croissance», conclut M. Kerrar. En somme, les tares des banques de la place renvoient à une question : n'est-il pas temps de refondre de fond en comble le système bancaire algérien ?