Au “pays des libertés”, le droit à l'information risque d'être remis en cause si la justice condamne deux journalistes qui refusent de révéler leurs sources dans une affaire impliquant la CIA. Judith Miller du New York Times et de Matthew Cooper du Time encourent dix-huit mois de prison s'ils persistent à refuser de citer leurs sources dans l'affaire. Si l'article de Cooper est paru dans le Time, celui de Miller n'a jamais été publié. L'attitude est considérée comme un outrage par le tribunal, qui estime qu'elle empêche de déterminer si un responsable de la Maison-Blanche a divulgué à la presse l'appartenance à la CIA de Valérie Plame, épouse d'un ancien ambassadeur américain, Joseph Wilson. Pour information, la révélation du nom d'un membre de la CIA est considérée comme “un acte criminel” aux Etats-unis. Selon cet ambassadeur, la divulgation du nom de son épouse n'est en fait qu'une sanction que lui inflige la Maison-Blanche pour avoir mis en doute, en juillet 2003, les arguments de George Bush affirmant que Saddam Hussein avait cherché à obtenir de l'uranium au Niger. Les deux journalistes se disent prêts à aller en prison pour défendre la liberté de la presse, et leurs avocats comptent faire appel jusqu'à la Cour suprême si nécessaire. Ils ont été convoqués par un procureur après les aveux du chroniqueur Patrick Fitzgerald qui avait reconnu avoir obtenu les informations sur Mme Valérie Plame de deux “hauts responsables du gouvernement”. Cette affaire n'a pas manqué de susciter des réactions aux Etats-Unis. Ainsi, le propriétaire du New York Times, Arthur Sulzberger, s'est déclaré “profondément consterné” par la décision de la Cour d'appel, avant d'ajouter que l'emprisonnement de Judith Miller “serait un précédent dangereux qui limiterait sérieusement la liberté de la presse aux Etats-Unis”. Quant au rédacteur en chef de Time, Norman Pearlstine, il a indiqué que le droit de protéger ses sources était “fondamental” pour le journalisme. “Aux Etats-Unis, aucun journaliste ne devrait aller en prison pour avoir fait son travail”, a-t-il insisté. Enfin, Reporter Sans Frontières estime que la décision compromettrait le droit des Américains à l'information. “C'est le rôle de contre-pouvoir de la presse qui est ici en cause. La justice américaine doit comprendre que, sans le secret des sources garanti aux journalistes devant les tribunaux, aucune personne disposant d'informations sensibles n'osera plus les remettre”, conclut le communiqué de RSF. K. A.