"C'est un pouvoir décomposé et qui a atteint sa date de péremption. Il doit disparaître et céder la place... au développement économique et social du pays", a estimé Louisa Hanoune. La secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) émet des doutes sur le message d'Abdelaziz Bouteflika, adressé à la nation le 4 juillet dernier, à l'occasion de la double Fête de l'Indépendance et de la jeunesse. Louisa Hanoune, qui s'exprimait dans un point de presse, hier, à Alger, en marge de la réunion du bureau politique de son parti, a mis en avant plusieurs raisons et a expliqué que le message "ne traite pas du changement radical de la situation politique, sociale et économique dans le pays". Ce pourquoi, elle a considéré que "le message du Président donne l'impression de s'arrêter à une situation qui prévalait avant les élections d'avril 2014". La preuve, souligne la première responsable du PT, est que "le message du Président parle du recouvrement de la souveraineté nationale après le remboursement de la dette extérieure de l'Algérie", alors que "toutes les mesures prises récemment à travers la loi de finances 2016 et le nouveau code de l'investissement encouragent le recours à l'endettement extérieur". L'autre preuve illustrant la "contraction" entre le message présidentiel et les faits en cours, relève Mme Hanoune, "est le discours de certains responsables de l'Etat qui prônent le recours à l'endettement extérieur et qui le présentent comme porteur de développement économique". Si c'est le cas, pourquoi donc le Président se félicite-t-il tant dans son message à la nation d'avoir débarrassé le pays de la dette extérieure ? La SG du PT n'est pas certaine de la réponse, mais fait tout de même l'effort d'avancer des hypothèses : "Soit le Président n'est pas au courant de certaines décisions prises depuis 2014, soit les rédacteurs du message ont fait exprès d'ignorer les développements connus dans le pays au lendemain du quatrième mandat, car cela ne peut pas être un oubli." Des développements qui, aux yeux de Louisa Hanoune, sont justement "durs à évoquer, surtout le jour de la célébration d'une date symbolique comme le 5 Juillet, laquelle renvoie chacun face à sa conscience". Parce qu'il s'agit, poursuit-elle, de mesures qui remettent en cause "la souveraineté nationale, donc l'indépendance du pays et, par conséquent, le message de Novembre 1954". Et "contrairement à ce qu'avancent certains médias pro-gouvernementaux", ajoute Mme Hanoune, "le 54e anniversaire du recouvrement de l'Indépendance nationale n'intervient pas dans une conjoncture qui consolide et respecte le message de Novembre 1954". Louisa Hanoune avoue avoir cultivé l'espoir de "trouver dans le message du Président une décision excluant tout recours à l'endettement extérieur". Elle n'a pas manqué de lancer une pique : "Discourir sur le passé est synonyme de pleurer sur les ruines". Surtout que Mme Hanoune estime que la situation actuelle est différente de celle brossée dans le message présidentiel. "Tous les verrous mis par le Président entre 2008 et 2014, pour mettre à l'abri les réserves de change et protéger les ressources nationales contre la prédation, ont sauté. Dans le nouveau code de l'investissement compradore, des cadeaux qui n'existent nulle part ailleurs ont été faits aux étrangers", relève-t-elle d'une part. D'autre part, la SG du PT évoque "des contre-réformes du président de la République à travers le passage en force des nouvelles lois violentes à l'APN". Elle fait référence, entre autres, à la loi faisant obligation de réserve aux retraités de l'armée et le code électoral. Et c'est dans ce sens que Louisa Hanoune ne comprend pas "comment le Président parle dans son message de réformes politiques, d'ouverture du champ politique et du rôle de l'opposition au Parlement", alors que "les récents événements sont en contradiction avec l'esprit de la nouvelle Constitution". La première dame du PT rappelle, toujours dans le même sillage, que "la seule réponse du pouvoir aux préoccupations démocratiques a été la répression". Et elle précise, de surcroît, qu'"un pouvoir qui ne supporte pas la critique et la satire politique est un pouvoir qui exprime sa grande faiblesse et annonce l'imminence de sa propre fin". Pourquoi sinon, dénonce-t-elle, avoir mis en prison le DG de KBC, Mehdi Benaïssa, le directeur de production des émissions satiriques "Ki hna ki nas" et "Ness stah", Ryad Hartouf, et le cadre du ministère de la Culture, Mounia Nedjaï ? Une question qui lui fait rappeler aussi le cas du général Hocine Benhadid, gravement malade et depuis dix mois en détention provisoire, avant de se demander si le Président était au courant de cette affaire et s'il aurait accepté une telle situation ? Enfin, pour Louisa Hanoune, "le régime est en train de scier la branche sur laquelle il est assis, car il est en passe de perdre sa base sociale". Elle le souhaite, d'ailleurs, puisque elle conclut : "C'est un pouvoir décomposé, et qui a atteint sa date de péremption. Il doit disparaître et céder la place... au développement économique et social du pays." Mehdi Mehenni