Pour les néophytes, le marché carbone (CO2) englobe l'ensemble des mécanismes d'échanges et de transactions des crédits de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Son but est de pousser les entreprises (vertueuses sur les questions du respect de l'environnement) à faire plus d'efforts pour réduire leurs émissions, car elles pourront dès lors obtenir en échange des crédits-carbone. La conséquence est que d'autres entreprises qui n'arrivent pas à respecter leur quota d'émissions permis ont la possibilité d'acheter des droits à polluer via ce marché. À la demande de la présidente de la CoP21, Ségolène Royal, un groupe d'experts conduit par trois co-présidents de cette CoP, Pascal Canfin (directeur pour la France du Fonds mondial pour la nature-WWF), Alain Grandjean (économiste) et Gérard Mesrtallet (PDG de l'ex-groupe Suez), a remis le 11 juillet ses conclusions sur la possibilité de redynamiser le marché carbone européen qui représente 45% des émissions de GES de l'Union européenne. Le constat, comme il fallait s'y attendre, est sans appel : l'effondrement du prix de la tonne de CO2 qui tourne autour de 5 euros au lieu d'un plancher opérationnel ne s'éloignant pas trop des 30 euros inonde durablement ce marché. La plupart des analystes estiment qu'un prix minimum de 30 euros est nécessaire pour commencer à produire un impact sur les comportements des agents économiques. De plus, de nombreuses fraudes ont été constatées sur la TVA, des vols de quotas, des installations qui ferment mais qui conservent leurs allocations (voir le cas des cimenteries, Liberté Environnement du 14 juillet 2016)... Dans ses propositions, le groupe de travail note d'abord qu'"il existe aujourd'hui un large consensus entre économistes, organisations internationales, ONG et entreprises qui se sont ralliés à la cause dans la dynamique créée par la CoP21, sur le rôle décisif que peuvent jouer les instruments de tarification carbone (marché et taxe) et de finance climat, pour enclencher de façon efficace la transition bas carbone". Ils proposent un corridor qui consiste dans l'établissement d'un prix plancher avec un prix minimum de 15 à 20 $/t CO2 avant 2020 et un prix cible de 60 à 80 $/t CO2 en 2030/2035 ; les pays rejoignant de manière volontaire ce corridor carbone. En 2008-2010, le Centre d'analyse stratégique (CAS - institution française) a estimé que la valeur de la tonne de CO2 pourrait être de 100 euros en 2030 et de 200 euros en 2050. Ces écarts donnent amplement une idée des difficultés des simulations pour les mêmes scénarios (limiter à moins de 2°C la température à la fin du siècle). Dans une telle situation, les réductions d'émissions de gaz à effet de serre en Europe ont été en grande partie dues à la crise économique et aux effets positifs d'autres politiques européennes (efficacité énergétique et énergies renouvelables) qui, dans certains secteurs, ont contribué à des baisses d'émissions importantes. L'effondrement du marché carbone conduit aujourd'hui à une incohérence entre l'Accord de Paris et les objectifs de moyen et long termes de l'Union européenne. Dans le monde, les prix du carbone couvrent actuellement une part limitée mais croissante des émissions mondiales (12% en 2015 dans une quarantaine de pays, selon le journal d'économie responsable Novethic)). Carbon Pricing Leadership Coalition, qui regroupe 74 pays et plus de 1000 entreprises, ambitionne d'atteindre au moins 25% des émissions mondiales couvertes par une tarification carbone en 2020 et 50% en 2030. Les pays du Sud entreraient dans ce marché avec la clause de la responsabilité commune et différenciée. Un problème de plus pour un instrument qui se veut universel. R. S.