Ces bombardements américains en Libye-Syrte- annoncéS par le Premier ministre libyen lui-même, et qui vont se poursuivre, sont révélateurs d'une stratégie suivant laquelle les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et l'Italie menaient un double jeu classique. Le jeu diplomatique de façade basé sur la légalité internationale, et celui des jeux sur le terrain, où chacun manœuvre par ailleurs pour son propre intérêt, y compris avec des chefs terroristes pour protéger leurs périmètres pétroliers. En même temps, que ces pays retenaient l'attention de la "communauté internationale" sur le thème du "gouvernement d'entente nationale", lequel encore aujourd'hui, n'est reconnu ni par les Libyens ni au plan international, ils préparaient l'ingérence militaire directe. Encore une fois, les Etats-Unis ont pris de vitesse leurs alliés, et ils se sont passés de "l'avis" de leurs "partenaires" dans la région sur le front de la lutte antiterroriste. On se doute bien que Daech est devenu un alibi et une "menace" qu'ils ont contribué à alimenter et faire grandir, comme en Syrie, pour leur fournir les prétextes légaux de déstabilisation sinon de la désintégration de pays-cibles. Je redoute que ce ne soit là le début d'une entreprise de caractère plus stratégique de division de la Libye entre l'Est et l'Ouest sur fond d'enjeux énergétiques et plus globalement de "containment" de la Russie en Méditerranée qui les a contrecarré en Syrie. Ce bombardement qui n'est pas une première en fait, vient donner le signal à l'intervention militaire directe et ouverte. En même temps, le danger se fait plus menaçant en direction de l'Algérie qui aura à gérer les conséquences de ce péril à la sécurité dans la région. On sait que les bombardements font plus de victimes civiles que de terroristes, qu'ils démolissent les infrastructures et déclenchent des vagues de réfugiés. Où iraient donc les réfugiés libyens de l'Est si l'intervention venait à prendre de l'ampleur. En Egypte ? Les Etats-Unis vont encore une fois semer le désastre et la désolation. Je déplore que soit le Premier ministre libyen lui même qui leur ait fait appel. On savait qu'il avait été "débarqué" à Tripoli à seule fin de faire appel à l'intervention militaire étrangère. Visiblement, il a été contraint de le faire par les Etats-Unis hors cadre onusien. Les Etats-Unis n'ont aucun état d'âme lorsqu'ils décident de se passer et de piétiner la légalité internationale. L'histoire ne fait que se répéter. Au vu de ces données, la position algérienne risque d'être en porte-à-faux à cause des récents développements militaires: condamner ou non l'intervention militaire, et dans quels termes, de l'action de "partenaires avec lesquels l'Algérie entretient un "dialogue stratégique"? Déplorer ou pas la présence avérée de forces paramilitaires françaises, britanniques et italiennes, ce qu'on s'est abstenu de faire jusque-là? Comment coopérer avec un "Premier ministre" libyen qui a demandé l'intervention militaire hors cadre légalité internationale ? L'Algérie était sur le même registre de la "légalité internationale" et du "gouvernement d'entente nationale" que des pays occidentaux présents militairement en Libye déjà sans l'aval du "gouvernement libyen". Je serais fort étonné que le Premier ministre libyen, qui a effectué une visite ostensible à Alger aussitôt sa désignation faite par les Occidentaux, ait eu la délicatesse d'en informer l'Algérie. Dans tout cela, les Libyens ont leur propre responsabilité ou plutôt ils ont fait montre d'inconscience, qu'il s'agisse des chefs de guerre locaux dont les appétits ont enseveli l'intérêt national, comme du Gouvernement d'entente nationale menotté par quelques pays occidentaux. Dans ces circonstances, ne devrait-on on pas surseoir à la réouverture de l'ambassade à Tripoli, comme acte de désapprobation? B. H. Ex-ambassadeur