Abdelaziz Bouteflika n'a pas fait mieux ou autant que le souverain marocain, lequel a défié les islamistes en affranchissant la citoyenne de son pays de la tutelle d'un homme. La copie du projet de l'ordonnance amendant le code de la famille, avalisé avant-hier par le Conseil des ministres, a été remise aux membres du gouvernement en début de la réunion, avons-nous appris de sources concordantes. Les ministres seraient venus en conseil avec, sous le bras, la version adoptée en Conseil de gouvernement en août dernier. Ils auraient appris, de ce fait, le maintien du tutorat matrimonial sur la femme au cours de l'examen de l'avant-projet de l'ordonnance, article par article. Il y avait toutefois peu de chance que des ministres s'opposent à cette disposition, défendue par ailleurs par le président de la République et également par les ministres FLN et MSP, à leur tête le chef de la diplomatie algérienne Abdelaziz Belkhadem. L'aile conservatrice, qui a pris les rênes du FLN depuis l'invalidation de son VIIIe congrès en décembre 2003, n'a jamais caché d'ailleurs son aversion à des amendements spécifiques proposés par la commission Boutern, à savoir la suppression du tutorat matrimonial et la soumission de la polygamie à des conditions strictes. Tout porte à croire que les élus de ce parti auraient tiré profit de leur majorité à l'Assemblée nationale pour réintroduire les dispositions en question dans la mouture finale du projet de loi. Evidemment, le chef de l'Etat avait toute latitude de leur couper l'herbe sous les pieds en protégeant les propositions de la commission Boutern de toute modification par l'usage de sa prérogative constitutionnelle de légiférer par ordonnance. Mais telle ne fut pas sa volonté. De toute vraisemblance, il ne voulait pas — ou ne pouvait pas — assumer un amendement qui aurait immanquablement exacerbé l'ire des islamo-conservateurs. Les pressions exercées, durant des mois, par les partis politiques d'essence islamiste, en première ligne le MSP et le mouvement El-Islah, par les zaouïas et également par la très conservatrice communauté mozabite (ses notables auraient menacé de ne plus reconnaître le contrat de mariage s'il est conclu sans le consentement d'un tuteur légal de la femme) ont eu raison de ses beaux discours à l'adresse des femmes. Des femmes qui ont cru, après l'adoption du projet de révision du code de la famille par le Conseil de gouvernement, qu'elles allaient recouvrer une partie de leurs droits fondamentaux et qu'elles seraient enfin reconnues comme des citoyennes à part entière. En définitive, il a fallu que le premier magistrat du pays cède au chantage de ceux qu'il a qualifiés pourtant à maintes reprises de forces d'inertie pour que le reste des amendements approuvés perdent de leur sens. Au-delà de ses professions de foi inlassablement ressassées, le président Bouteflika a donné aux islamistes l'occasion de gagner une manche dans le duel qui les oppose aux défenseurs des droits démocratiques. Il n'aura pas réussi surtout à faire mieux ou autant que le souverain marocain, Mohammed VI, qui a consenti, l'année dernière des amendements réellement révolutionnaires dans la “moudawana”. Il a respecté jusqu'au bout l'engagement pris devant les membres du Parlement de son pays en octobre 2003, malgré les entraves posées par les islamistes. S. H.