Dans cet ouvrage, l'auteure Frédérique Devaux Yahi tente de décortiquer tous les aspects liés aux réalisations cinématogra- phiques, et ce, non sans donner d'abord une analyse de l'organisation et du mode de vie de la société kabyle. Présentation d'abord de l'auteure : Frédérique (Yamina) Devaux Yahi a été chargée de cours dans les universités de Paris VII Jussieu, Paris I Sorbonne, Marne la-Vallée et à l'Ecole normale Louis-Lumière. Elle est actuellement maître de conférences à Aix-Marseille Université. Née d'une mère française et d'un père kabyle, coupée de ses racines pendant de longues années pour des raisons familiales, elle renoue peu à peu avec son passé en revenant de temps en temps à Bgayet pour s'y ressourcer, assister à l'occasion à des festivals de films amazighs et assurer bénévolement des cours sur la réalisation aux jeunes cinéastes. Réalisatrice indépendante ayant à son actif plusieurs films expérimentaux et documentaires, notamment sur la Kabylie, elle vient de publier un ouvrage de référence sur le cinéma amazigh, en particulier le cinéma kabyle. Car, y lit-on en introduction : "À notre connaissance, il n'existe à ce jour, aucun ouvrage sur une possible cinématographie berbère, ou à défaut sur les trois premiers longs-métrages algériens réalisés avec de la pellicule 35 mm et parlés en langue amazighe". Ainsi, cette étude porte sur La colline oubliée d'Abderrahmane Bouguermouh (1996), Machaho de Belkacem Hadjadj (1996) et La montagne de Baya d'Azzedine Meddour (1997), en y abordant aussi le premier film chaoui La maison jaune réalisé par Amor Hakkar et le court métrage La fin des djinns de Cherif Aggoune (1990). Dans cet ouvrage de plus de 250 pages, l'auteure tente de décortiquer tous les aspects liés à ces réalisations cinématographiques, non sans donner d'abord une petite analyse de l'organisation et du mode de vie de la société kabyle afin de mettre quelque peu les choses dans leur contexte (politique, économique et social). Elle s'attaque ensuite à ces "trois faces de la permanence kabyle à travers trois périodes (...). Chacune d'entre elles expose les coutumes de cette société, ses règles ancestrales d'organisation sociale et politique. Parmi elles, certaines de ces traditions ont encore cours aujourd'hui dans des contrées isolées de Kabylie". Les différents chapitres abordés dans ce livre oscillent entre le domaine technique (image, son, musique, découpage, montage, générique, prise de vues...) et le contexte (biographie, adaptation, tradition, légende, mythe...) en passant par l'historique de la genèse et les conditions de travail des équipes de tournage, entre autres pour La montagne de Baya, film pour lequel Azzedine Meddour a dû patienter, apprend-on, sept ans pour réunir les fonds nécessaires à sa réalisation et ce à défaut d'une aide de l'Etat. Certains esprits y auraient même vu "une atteinte à la souveraineté nationale", en plus des autres péripéties tragiques vécues lors du tournage. Et il en est ainsi pour presque tous les autres films évoqués autour desquels beaucoup d'histoires sont tissées, tant internes, qu'externes. La lecture de ce livre - qu'on pourrait qualifier aussi de "travail académique", touchant à de nombreux volets liés à l'aspect cinématographique - révèle chez l'auteure une envie réelle et profonde de mettre en lumière "ces réalisations qui sont aujourd'hui perdues au milieu des productions du Maghreb, englouties sous les sorties mondiales". Elles méritent, selon Devaux, "d'être à nouveau mises en valeur et analysées pour ce qu'elles sont, des œuvres de précurseurs et de militants de la cause berbère". Pour ce faire, il lui a fallu des heures et des heures de visionnage de films, de lectures de romans adaptés, d'analyses, de documentation... Un ensemble d'actions qui a donné naissance à ce travail de recherche qui vient enrichir la bibliographie du cinéma algérien en général, et amazigh en particulier. Cet opus pourrait servir de source d'inspiration pour certains en leur donnant l'envie d'en dire plus, sinon à faire mieux ! Samira Bendris