La naissance de ces œuvres cinématographiques était précédée par « taggara lejnun » (la fin des djinns) de Cherif Aggoun qui amorce dès les années 1990 cette dynamique. Elles ont eu un grand succès au pays et à l'étranger, obtenu des prix et suscité intérêt et curiosité. « La colline oubliée » d'Abderrahmane Bouguermouh, « Machaho » de Belkacem Hadjadj et « La montagne de Baya » d'Azzedine Meddour étaient le trépied d'un cinéma d'expression kabyle qui a illuminé le ciel comme une météorite. Inédit et séduisant à ses débuts, il n'a depuis jamais pu se prolonger par des œuvres aussi fortes. Ces dernières n'étaient pas de simples images, répondant à un besoin de distraction mais avant tout l'expression visuelle d'une revendication culturelle. Elles étaient, écrit l'auteure née d'un couple mixte, « des œuvres de précurseurs et de militants de la cause berbère » (p.13)*. Dans un siècle dominé par le flot d'images, aucune culture ne pouvait prétendre à un meilleur avenir, se projeter dans le futur si elle tourne le dos à l'audiovisuel. Toute société a besoin de se représenter, de se dire. En deux années « les populations, à la vie sociale souvent limitée par les conventions, se voient soudain transportées de leur propre gré, vers la mise en images de leurs désirs ou de leurs questionnements », (p.191), rappelle l'auteure. Cette dernière montre ensuite comment les légendes, les expressions culturelles et les rites liés à la terre, à la femme, à la religion du vieux monde berbère structurent la texture de ces films. Ils confrontent celui-ci aux dynamiques du monde extérieur. L'auteure, qui s'attarde sur le parcours de chacun des trois réalisateurs, procède également à une critique évoquant tout à la fois, le découpage, la musique et les personnages. Le reflet des interrogations La Kabylie, les Aurès, les autres régions berbérophones d'Algérie ont longtemps offert leurs décors naturels, des cortèges de figurants comme dans « L'opium et le bâton », « L'honneur de la tribu » ou « Cri de pierre ». L'usage de la langue caractéristique principale des trois films fut un acte de valorisation de celle-ci, exclue auparavant des dialogues. L'adhésion des publics n'était pas un hasard. La beauté des légendes portée par celle-ci, les peines et les joies de ses locuteurs ne pouvaient trouver un meilleur canal, sous risque d'altération. C'est sur cet âge d'or que revient l'auteure qui rappelle les conditions à la fois dures et euphoriques de réalisation de ces longs métrages. Elle s'attarde sur le contexte qui a fait de ces films une revanche, la consécration d'une lutte et le reflet des interrogations de la société sur ses mythes fondateurs. Ils étaient aussi des exemples. Quelques années plus tard, d'autres films ont été produits notamment quelques œuvres marocaines et « La maison jaune » d'Amar Hakkar, un des premiers films en dialecte chaoui. Si depuis l'élan s'est quasiment brisé, la possibilité d'un cinéma amazigh continue de hanter. Il a offert depuis, sur d'autres registres quelques œuvres, fruits de cette période. R. Hammoudi *Frédérique Devaux Yahi - « De la naissance du cinéma kabyle au cinéma amazigh »- 252 pages éditions l'harmattan 2000 DA