Avant même sa nomination officielle à la tête de cette fondation, Jean-Pierre Chevènement fait déjà face à l'incompréhension d'une partie de la communauté musulmane. Sa nomination, envisagée par l'Elysée, à la tête de la Fondation dite pour "l'islam de France" déjà contestée, l'ancien ministre français de la Défense puis de l'Intérieur alimente davantage la polémique à travers sa première sortie médiatique dédiée exclusivement à ce sujet. Dans une interview, avant-hier, au Parisien, il a notamment appelé les musulmans de son pays à faire preuve de "discrétion" dans la pratique de leur culte. "Le conseil que je donne dans cette période difficile — comme le recteur de la mosquée de Bordeaux — est celui de discrétion. Les musulmans, comme tous les citoyens français, doivent pouvoir pratiquer leur culte en toute liberté. Mais il faut aussi qu'ils comprennent que, dans l'espace public où se définit l'intérêt général, tous les citoyens doivent faire l'effort de recourir à la ‘raison naturelle'", a-t-il exactement répondu à une question concernant sa position par rapport aux "problèmes concrets" auxquels fait face actuellement la société française. Allusion à la montée de l'extrémisme islamiste qui, outre les actes terroristes, se traduit par le comportement ostentatoire d'une partie des musulmans. Ce comportement est manifesté, entre autres, à travers le port du voile et du burkini ou encore les prières en groupe dans des espaces inappropriés. Connu pour être très pointilleux sur la laïcité, M. Chevènement a tenté dans la foulée de convaincre que "la laïcité n'est pas tournée contre la religion, elle libère la spiritualité de toute emprise de l'Etat. Je n'entends nullement m'immiscer dans la sphère du religieux". Pour lui, la relance de l'idée de création de la fondation serait "une bonne réponse à la poussée du terrorisme". Néanmoins, ses propos ont suscité la réaction de nombreux Français, y compris des non-musulmans, lesquels disent ne pas comprendre, notamment, son appel à la "discrétion". Ses propos, qui ont ainsi choqué, ont vite été tournés en dérision, notamment sur les réseaux sociaux. L'invitation de M. Chevènement a choqué y compris des militants du PS à l'instar de Samia Ghali, sénatrice PS des Bouches-du-Rhône et maire des XVe et XVIe arrondissements de Marseille, qui a dénoncé, via un tweet, "des propos ambigus, voire malsains". Sous le #MusulmanDiscret, plusieurs internautes se sont, par ailleurs, amusés à tourner en dérision l'amalgame de M. Chevènement qui confondrait les Français de confession musulmane, majoritaires, et la minorité d'intégristes. "Ne dites plus je vais prier à la mosquée mais plutôt je vais à une de mes 5 séances quotidiennes de gym orientale", ou encore "Ne dites pas que vous allez faire votre prière mais plutôt une séance de méditation". Il s'agit, là, de quelques échantillons de tweet, plutôt moqueurs, mais clairement hostiles à l'ancien ministre français. Ce qui ne l'a, toutefois, pas ébranlé pour réitérer, un peu plus tard, son appel à la réserve sur Europe 1. "Les musulmans seraient bien inspirés de faire preuve de discrétion, comme les autres !" M. Chevènement, qui devra donner sa réponse à François Hollande pour la présidence de la fondation, est convaincu qu'"il y a un intérêt commun à ce que le bateau France tienne la mer, car, s'il devait couler, ce sont tous ses passagers qui couleraient avec lui". Farid Abdeladim