Près de deux semaines après l'arrêté pris par les maires républicains (LR) de Cannes (le 28 juillet) et de Villeneuve-Loubet (5 août), dans les Alpes-Maritimes, la polémique enfle en Haute-Corse où le premier maire socialiste s'est aligné sur la position des représentants de la droite. L'épisode corse a toutefois un caractère particulier. Sur fond de tensions communautaires, traduites par le regain de violence antimusulmane par rapport aux autres régions françaises selon les dernières données de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) qui place l'île de Beauté en tête du peloton, la « violente rixe » de Sisco, en Haute-Corse, selon les mots du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, est la goutte qui a fait déborder le vase de l'islamophobie, exacerbée par les attentats de Paris et de Nice. « En Corse, ce ressentiment antimusulman avait d'ailleurs éclaté au grand jour lors des manifestations des 26 et 27 décembre 2015, à la suite de l'agression de sapeurs-pompiers qui étaient intervenus au cours de la nuit de Noël dans le quartier des Jardins-de-l'Empereur à Ajaccio. De nombreux manifestants avaient alors scandé des slogans du type : « On est chez nous ! » ou « Arabi fora » (« les Arabes dehors »), tandis qu'un autre groupe de manifestants avait saccagé la salle de prière du quartier et brûlé quelques exemplaires du Coran, rappelle la CNCDH. Ce sont précisément ces mots d'ordre qui ont été scandés lors du rassemblement regroupant à Bastia environ 500 personnes, au lendemain de la violente rixe qui a opposé, dans une crique du Cap Corse, à la sortie de Sisco (Haute-Corse), jeunes Corses et trois familles d'origine maghrébine. Elle a été provoquée par les photos prises par des touristes sur des femmes qui se baignaient en burkina. Le feuilleton du « burkini » révèle le grand malaise dont les prémices se sont déjà fait sentir dans l'affaire de la Speed Water, une sortie de piscine organisée par l'association Smile 13 qui souhaitait accueillir uniquement les femmes, qui, avec leurs enfants, sont désireuses de se baigner « en burkini et jilbeb de bain », dénoncée par les élus de droite et du Front national. La polémique enfle dans cette France partagée entre les partisans de l'interdiction, décelant des signes de prosélytisme, et les adeptes du compromis appelant à plus de modération. Des associations, comme la Ligue des droits de l'homme et SOS racisme, ont fustigé la « stratégie de la tension, alors qu'un recours a été déposé par une association musulmane et rejeté par le Conseil d'Etat. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) entend réagir. « Tout cela est grotesque, inutile et dangereux. En jouant sur cette corde populiste, en confondant tout, on ne fait qu'attiser les crispations de toutes parts. Les musulmans en ont ras-le-bol ! », s'est indigné Abdallah Zekri, secrétaire général du CFCM. « Nous sommes contre le voile intégral, mais pour le reste, chacun est libre de porter ce qu'il veut dans l'espace public. Notre pays n'a-t-il pas d'autres priorités en ce moment ? », regtette-t-il. De son côté, l'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, pressenti pour prendre les destinées de la Fondation des œuvres de l'Islam, créée en 2005 dans le prolongement du CFCM pour contribuer à son financement, a vivement déploré une « polémique subalterne et stupide ». Pour lui, la liberté de culte qui garantit le port du « burkini » est tributaire du maintien de l'ordre public. « Chacun doit faire un effort pour que, dans le cadre de la république laïque, ce soit la paix civile qui l'emporte », a-t-il déclaré. Le compromis de Chevènement sauvera-t-elle la France du déni de culte ?