Moins d'une semaine après avoir rassuré Bush quant à son engagement total à ses côtés dans son entreprise visant à ne pas laisser la Corée du Nord et l'Iran se doter des moyens leur permettant de fabriquer l'arme nucléaire, Vladimir Poutine signe un accord avec Téhéran pour lui fournir de l'uranium enrichi, afin de faire démarrer la première centrale nucléaire iranienne. Le retard enregistré dans la signature de l'accord entre les deux parties pouvait laisser penser que Moscou cherchait à gagner du temps, notamment après les déclarations de Poutine dans la capitale slovaque concernant la question du nucléaire. L'on se rappelle qu'il s'était aligné sur les positions américaines pour que Pyongyang et Téhéran ne puissent pas se doter de la bombe atomique. Et voilà, on ne sait trop pour quelles considérations il s'allie avec l'un des pires ennemis de Washington. Il faut dire qu'il s'agit-là d'un véritable pied de nez à George Bush. En effet, le chef de la Maison-Blanche, dont l'objectif était d'empêcher les Perses de mettre la main sur ce combustible, indispensable à la fabrication de la bombe atomique, voit ses efforts échouer. Lui qui doute de la bonne foi des Iraniens, quant à la non-utilisation de l'uranium enrichi à des fins militaires, se retrouve devant le fait accompli. Poutine semble certain que la mise en marche de la centrale nucléaire de Bouchehr ne rapprochera pas l'Iran de son but et tente de rassurer les Etats-Unis et tout l'Occident. Mais, ce qu'il y a lieu de retenir de l'engagement du président russe avec les Iraniens, c'est sa détermination à montrer au monde son indépendance politique vis-à-vis des Américains. Du même coup, il réaffirme la place de la Russie dans le marché mondial du “nucléaire civil”. Une chose est sûre, le rapprochement entre Téhéran et Moscou risque d'envenimer les relations russo-américaines, quand on sait que l'Administration Bush n'a jamais caché son intention de présenter le dossier du nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité de l'ONU. Les observateurs n'excluent pas une éventuelle confrontation entre les deux superpuissances au sein de l'instance exécutive de l'Organisation des Nations unies, surtout que la Russie dispose, au même titre que Washington, du droit de veto. Une telle crise est plus que probable si le régime des mollahs va jusqu'au bout de son intention de reprendre l'enrichissement de l'uranium, en plus de ce que lui fourniront les Russes. Rohani, le chargé de ce dossier à Téhéran, a affirmé que cela n'était pas “négociable”. Tout indique que la guerre froide, à laquelle se sont livrés le Kremlin et la Maison-Blanche pendant un demi-siècle, est loin d'être terminée. Ainsi, l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) a entamé, hier à Vienne, une réunion consacrée à l'Iran, au lendemain de la signature entre Téhéran et Moscou d'un accord devant permettre la mise en service de la première centrale iranienne. Cet accord capital, d'un montant de 800 000 dollars, a fait monter la tension d'un cran, alors que les Etats-Unis accusent l'Iran de chercher à obtenir la bombe nucléaire sous couvert d'activités civiles. Par ailleurs, les Américains semblent plus disposés à se joindre aux efforts diplomatiques européens pour trouver une solution à ce problème. K. A.