La décision du gouvernement de lever cette interdiction n'est pas un choix délibéré. Pour les concessionnaires automobiles, cette mesure soulève de graves contradictions, notamment celles liées à l'investissement et à la concurrence. "On va lever cette interdiction de l'importation des véhicules d'occasion (moins de 3 ans, ndlr) et élaborer un cahier des charges bien précis qui permet de ne pas importer des véhicules représentant des dangers à la circulation. C'est-à-dire que nous allons autoriser l'importation de ces véhicules sous conditions." C'est ce qu'a déclaré, hier, le ministre du Commerce, Bakhti Belaïb, lors de son passage au Forum économique d'El-Moudjahid. Rappelant que le gouvernement a décidé, dans le cadre du projet de loi de finances 2017, de lever l'interdiction de cette catégorie de véhicules, M. Belaïb a précisé que "l'essentiel pour nous est que ce soit un marché transparent où l'acheteur a des garanties suffisantes (...) De mon point de vue, un cahier des charges est mieux que l'interdiction". En ce sens, le conférencier a révélé que les pouvoirs publics examinent actuellement les formules pour organiser le marché d'occasion, en avançant que ce marché sera soit laissé aux distributeurs et aux concessionnaires uniquement, soit il sera ouvert également à d'autres intervenants. Pour le ministre, le marché d'occasion pourrait permettre d'importer des véhicules plus performants et beaucoup moins chers que certains véhicules neufs importés. Selon lui, "il existe des cas où certains constructeurs fabriquent des véhicules spécialement pour l'Algérie et qui sont loin des normes internationales (...) Le marché national des véhicules doit être organisé pour que nous ne soyons plus arnaqués et victimes de manque de transparence". Il faut rappeler que la décision de lever l'interdiction de l'importation des véhicules de moins de 3 ans était dans l'air depuis 2015 quand le marché du véhicule neuf commençait à piquer du nez. L'information étant sous embargo, le gouvernement fait machine arrière et revoit une décision prise en 2005 quand le ministère du Commerce, après un forcing des concessionnaires qui a duré plus de 2 ans, a décidé la suppression de l'importation des véhicules de moins de 3 ans, arguant, notamment, qu'ils ne répondent pas aux normes de sécurité et qu'il était temps d'ouvrir le marché du véhicule neuf pour toutes les marques sans exclusif. Mais ce brusque retour du véhicule de moins 3 ans n'est pas du goût des concessionnaires. Contactés par nos soins, certains représentants des marques automobiles en Algérie estiment que "cette décision est en contradiction avec les investissements entrepris par les concessionnaires dans l'industrie automobile. Mieux, on a bridé les importations des véhicules neufs sous couvert de l'austérité et de la réduction de la facture d'importation en devises. Mais, l'importation des véhicules de moins de 3 ans se fera, d'une manière ou d'une autre, avec des devises. Que ce soit un particulier ou un agent agréé qui va bénéficier de ce cahier des charges, les dépenses en devises vont sensiblement augmenter !" À la question de savoir l'impact de cette décision sur le marché algérien, un concessionnaire nous a fait savoir qu'"il est irrationnel de laisser libre champ à la spéculation. L'importation des véhicules de moins de 3 ans n'apporte aucune valeur ajoutée. Ni sur le plan des emplois, encore moins sur le plan du service après-vente. Pis encore, un véhicule de moins de 3 ans qui revient à 1 000 ou 2 000 euros sera vendu sur notre marché au même prix que celui importé". Autre couac, le contrôle et l'homologation d'un véhicule d'occasion avant son introduction sur le sol algérien. Il faut savoir, qu'à ce jour, les ports algériens ne disposent pas d'outils de contrôle et d'homologation pour les véhicules. Y compris le véhicule neuf, celui-ci est homologué sur la base de fiches techniques envoyées par le constructeur à son représentant. Il est clair que la décision du gouvernement de lever cette interdiction n'est pas un choix délibéré. La ratification de l'Algérie des accords de libre-échange et son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sont autant de facteurs majeurs qui forcent la main au gouvernement pour revoir sa copie et ouvrir ce créneau, et ce, au même titre que tous les autres produits et équipements. Reste à savoir la teneur dudit cahier des charges qui, d'ores et déjà, suscite moult interrogations chez les uns, à savoir les concessionnaires automobiles, et les autres, à savoir les consommateurs. Surtout chez les autres ! FARID BELGACEM