Rien ne vas plus entre Bakhti Belaïb et Ahmed Ouyahia. D'aucuns voient dans les dernières sorties du ministre du Commerce des flèches ciblant le président du RND. Lecture. Le prétexte serait la levée de l'interdiction de l'importation de voitures d'occasion, dites de moins de trois ans, telle que suggérée par le ministre du Commerce, Bakhti Belaïb, la semaine dernière. Décidément, peu avare en révélations aussi tonitruantes les unes que les autres, ce membre du gouvernement n'a pas manqué d'égratigner Ahmed Ouyahia qui, selon lui, aurait "cédé" en tant que Premier ministre, en 2003, au diktat des lobbies de l'automobile. Mieux, pour lui, la remise sur le tapis de cette mesure traduit la volonté de restaurer l'autorité de l'Etat face à la maffia qui gangrène, il est vrai, le secteur du commerce et notamment celui de l'importation. Avant cela, Belaïb avait jeté un autre pavé dans la mare en s'attaquant ouvertement aux "lobbies" qui, à l'en croire, défient jusqu'à ce jour les institutions et les lois de la République. Sans citer aucun nom, il s'en prendra d'une manière énigmatique à un importateur en particulier qui, selon lui, aurait le bras si long qu'il a réussi à débloquer une situation litigieuse au port d'Alger grâce à la "complicité" y compris de certains cadres de son ministère. Si le ministre du Commerce s'est montré pour le moins évasif, il ne manquera pas de confesser, en outre, que cette maffia tirait sa puissance des rouages mêmes de l'Etat. Et c'est, peut-être là, la déclaration de trop. En effet, devant la gravité de son propos, beaucoup se mirent à chercher l'identité du mystérieux et non moins puissant importateur que certains ont cru, à tort ou à raison, comme un proche de l'actuel directeur de cabinet de la présidence de la République. Il faut dire que la vindicte que nourrit Bakhti Belaïb à l'endroit d'Ouyahia ne date pas d'aujourd'hui. Signataire de la préface d'un pamphlet consacré précisément au même Ouyahia, on peut affirmer que le ministre ne fait que récidiver dans le cas d'espèce. En effet, dans Les coulisses d'une décennie algérienne (Témoignage d'un commis de l'Etat) paru en 2014, Bakhti Belaïb fait sienne la description à charge rapportée par Nacer Akkache, ancien directeur de cabinet du chef du gouvernement. Dans cet opus, Belaïb écrit noir sur blanc avoir particulièrement apprécié "la force et la justesse des arguments qui ont admirablement permis à l'auteur de mettre en évidence la duplicité, la fausse sincérité ainsi que la prétention démesurée, sans le nommer, d'un responsable qui n'a cessé de croire à son destin national". L'allusion étant des plus manifestes et avec les sorties répétées du ministre, il est difficile de ne pas établir, en effet, un lien. Chargé d'apporter au plus vite une riposte, Seddik Chihab, porte-parole du Rassemblement national démocratique (RND), dont est membre également Bakhti Belaïb, a fustigé l'idée "farfelue" d'une mesure autorisant le retour à l'importation de véhicules de moins de trois ans. Dans ce qui tient lieu de véritable mise au point, Chihab a rappelé les conditions d'interdiction de l'importation de ce type de véhicules en arguant de la nécessité d'une cohésion dans l'action gouvernementale. Il finira même par retourner l'argument de Belaïb en évoquant la volonté de l'Etat d'imposer des normes de sécurité élevées aux voitures commercialisées en Algérie afin de réduire la mortalité routière. Mohamed-Cherif Lachichi