Résumé : Athmane et Nadjette s'étaient promenés dans les pâturages, et cette dernière avait relevé les prémices d'une fièvre aphteuse chez le bétail. Elle aimerait bien lancer une campagne de vaccination. Athmane lui propose d'en parler à son père. Nadjette verse le café chaud, tend une tasse à Athmane et demande sur un ton qu'elle voulait simple et détendu, afin de dissiper les effluves d'une tension incompréhensible qu'elle sentait planer dans la pièce : -Ammi El-Hadj, avez-vous déjà reçu la visite d'un vétérinaire dans ce village ? Le vieux Mokhtar relève la tête et la regarde bien droit dans les yeux : - Non. Jamais. - Hum. Je vois. - Que vois-tu ? Y a-t-il quelque chose d'anormal dans notre bétail ? - Plutôt dans tout le bétail du village. J'ai découverts plusieurs affections et surtout un début d'épidémie de fièvre aphteuse. Il faut vacciner toutes les bêtes le plus tôt possible. Le vieux Mokhtar soupire. - Vacciner ? Comme si la chose était aussi facile à faire. Les paysans y trouveront mille et un inconvénients. - Père. Il faut leur expliquer la gravité de la situation. - Moi ? - Oui, toi, père. Je ne vois pas quelqu'un d'autre. - Mais que vais-je dire ? - Que leurs bêtes sont en danger, et qu'il y a un vétérinaire qui veut les aider. - Un vétérinaire !, s'écria la vieille Khadoudj. De ma vie je n'ai vu un paysan de ce village faire appel au service d'un médecin pour soigner son bétail. Chez nous, aucun étranger n'a le droit d'approcher nos bêtes que nous entretenons nous-mêmes et soignons par de très bonnes recettes héritées de nos aïeux. Nadjette jette un coup d'œil à Athmane l'implorant de répondre. Ce dernier toussote, se mouche et pousse un soupir avant de lancer d'une voix rauque : - Mère, Nadjette veut aider ces paysans pour empêcher le mal de se propager à travers le bétail et occasionner de grandes pertes. Outrée, la vieille femme s'écrie : - Je ne sais pas ce que vous manigancez tous les deux, mais je vous préviens : une femme aussi cultivée soit-elle n'est pas toujours bien vue dans notre village, et de surcroît quand elle s'amuse à narguer les connaissances de nos paysans du haut d'un savoir qu'elle vient à peine d'acquérir, et qui ne vaut absolument rien devant leur expérience. Le vieux Mokhtar se lève d'un bond : - Femme ! As-tu oublié que Nadjette est notre obligée ? Qu'as-tu à crier ainsi ? Elle a raison cette petite. L'année passée à la même période, nous avons perdu une vache et deux béliers à cause d'un mal mystérieux, que ni tes soins ni mes prières n'ont pu conjurer. Idem pour nos voisins qui ont perdu plusieurs moutons et un bœuf. Laissons faire Nadjette, peut-être qu'elle connaît les remèdes miracles que nous ne connaissons pas. Après tout, que peuvent nos piètres connaissances devant les exploits de la science ? (À suivre) Y. H.