Le café littéraire de Béjaïa a accueilli samedi dernier, la politologue et auteure Myriam Aït Aoudia, pour présenter son ouvrage "L'expérience démocratique en Algérie (1988-1992). Apprentissages politiques et changement de régime" (éditions Koukou). La politologue et maître de conférences à Sciences-Po Bordeaux, Myriam Aït-Aoudia, a été, avant-hier, l'invitée du Café littéraire de Béjaïa. Elle est venue présenter son ouvrage L'expérience démocratique en Algérie (1988-1992). Apprentissages politiques et changement de régime, paru cette année chez Koukou éditions. Une première présentation de l'ouvrage - fruit d'une thèse soutenue en 2008 à la Sorbonne - avant même le Salon international du livre d'Alger (Sila), prévu du 27 octobre au 5 novembre. La rencontre, qui s'est déroulée exceptionnellement à la petite salle de la maison de la culture Taous-Amrouche, a vu débouler les habitués mais aussi des personnes aux cheveux grisonnants, lesquels ont espéré, avec cet échange sur "l'histoire de cette révolution, avortée et oubliée", pouvoir comprendre la crise "d'une intensité extraordinaire", qui avait éclaté en Algérie. Et ce, 25 années avant ce qu'il est convenu d'appeler les Printemps arabes. C'est aussi une période charnière riche en enseignements. La preuve : l'expérience algérienne a été "un vrai laboratoire pour les pays de la région". Les islamistes tunisiens ont, certainement, beaucoup médité sur l'exemple algérien. L'auteure a, d'emblée, insisté sur le caractère imprévisible du changement, survenu au lendemain des émeutes d'octobre 1988, qui avaient fait des centaines de morts et des milliers, voire des dizaines de milliers de blessés dont des handicapés à vie. Cette contestation, qui s'est généralisée débouche "de manière assez inattendue, sur une réforme constitutionnelle et la remise en cause du parti unique". C'est la première fois, insistera-t-elle, qu'un régime autoritaire s'effondre en quelques mois de manière imprévisible et non contrôlée et donne naissance à un régime multi-partisan. Et elle insistera sur un fait : "Il n'y a pas de lien automatique entre les émeutes et la chute de régime. Ce n'est pas un signe de la fragilité d'un régime" comme on a tendance à le croire. D'ailleurs, sur les émeutes d'octobre 1988, la doctorante d'alors avait fait une enquête empirique. Autre fait sur lequel elle a insisté : "L'armée se retire des instances du FLN dès 1989", ce qui a mis, par voie de conséquence, un terme au règne du parti unique. Les nouveaux partis créés - quoique dans une forme d'improvisation - vont mener une expérience démocratique inédite dans la région. L'auteure affirmera en outre qu'il n'y a eu aucun consensus sur la Constitution de 1989. "Hamrouche était même accusé de faire un coup d'Etat au FLN" tellement les caciques du FLN la trouvaient trop libérale en matière politique. "Il n'y avait pas non plus de consensus sur les règles du jeu politique". Il s'agit bien de la première expérience démocratique dans la région, qui va mal tourner avec le cycle de violences qui s'en suivra. Mais l'expérience algérienne demeure un modèle pour tous les opposants démocrates ou même islamistes dans la région. La preuve : on avait assisté à une effervescence démocratique d'une intensité telle que l'Algérie n'en connaîtra plus par la suite. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, elle affirme que l'armée et les islamistes avaient joué "un rôle majeur dans cette démocratisation" bien que leurs motivations ne soient pas nécessairement démocratiques. Toutefois, lorsque l'ex-FIS arrive largement en tête au premier tour des élections législatives de décembre 1991, une partie de l'armée, soutenue par le syndicat UGTA, le patronat et les autres forces sociales et politiques, décide de l'interruption du processus électoral. On assiste, dira-t-elle, à une requalification de l'ex-Fis. D'adversaire, il devient ennemi. Et en devenant ennemi, l'ex-FIS rentrera alors dans la clandestinité et la lutte armée. L'expérience algérienne devient un contre-modèle dans la région. Mais un modèle que l'on ne perd pas de vue pour foncer droit dans le mur. Les Algériens étaient les premiers à faire leur révolution mais ils n'avaient pas les projecteurs des télévisions du monde entier sur eux – encore moins Internet - pour en rendre compte au quotidien comme cela a été le cas durant ce que l'on qualifie encore de Printemps arabes. M. Ouyougoute