En violation de son propre discours général, de la loi souvent et de la Constitution parfois, le pouvoir proclame régulièrement son attachement aux monopoles. Les exceptions étouffant la règle, l'option libérale prônée dans les forums politiques et tribunes étrangères finit ainsi par se dissoudre dans les reniements. Le régime, qui en priorité honnit la liberté d'expression, a commencé par poser l'incontestabilité du monopole audiovisuel. Le président de la République a régulièrement proclamé qu'il n'est pas question de radio ou de télévision privées. L'exclusivité est franchement justifiée par le fait qu'il refuse la cession d'un droit qui permettrait à ses détracteurs de le critiquer. La survie de la presse écrite, support marginal de la communication de masse, tient à la difficulté de revenir ouvertement sur le fait accompli. Ce serait un aveu d'ostracisme gênant et anachronique. Alors on fait ce qu'on peut — et on peut beaucoup — pour réduire, asphyxier ou tenter ce qui reste de liberté de presse. “Je ne reconnais pas d'autre syndicat que l'UGTA”, s'exclamait dernièrement Bouteflika devant une élite syndicale se prétendant de la démocratie et vivant de l'intolérance liberticide du régime. L'existence syndicale est un privilège dévolu par les dirigeants à une bureaucratie rentière qui a juste le droit à des coups de gueule théâtraux pour mieux faire passer son inconditionnel soutien aux décideurs du moment. On en arrive à la situation paradoxale d'une république réputée démocratique qui souffre le multipartisme, mais ne supporte pas encore le multisyndicalisme. Une espèce de démocratie de façade où le multipartisme d'appareils ne sert qu'à camoufler l'arbitraire qui soumet tous les secteurs de la vie publique, enfin de ce qui aurait dû être une vie publique. Pourtant, les libertés individuelles et collectives sont inlassablement convoquées pour agrémenter le ronron discursif de notre démocratique pouvoir. Elles servent, notamment de préambule à un discours sur les réformes économiques qu'on veut vendre à je ne sais quelques crédules partenaires disposés à investir dans un pays où les banques sont encore gérées par des circulaires du Premier ministre. Il n'est peut-être pas raisonnable d'attendre un afflux de capitaux vers un système où l'argent, y compris de caisses sociales autonomes, est déposé dans les comptes indiqués par le Chef du gouvernement. L'Etat s'est compromis dans les premières expériences bancaires privées, mais c'est cette faute, sa faute, qui justifie le maintien du monopole bancaire ! Ouyahia légifère pour les banques et Hamlaoui pour le transport. Ainsi, tout se passe comme si le pouvoir osait espérer qu'il suffit de les inviter pour que les investisseurs se bousculent au portillon de notre économie ; une privatisation sans banques autonomes, une libéralisation à la carte. Non content de prioriser les privilégiés du sérail dans le choix des activités à embrasser, le pouvoir voudrait que nos naïfs partenaires acceptent cette ouverture à la carte. Le transport maritime, oui ; le transport aérien, non. C'est comme cela qu'on réhabilite le monopole et les privilèges en prétendant œuvrer à l'ouverture et aux libertés. M. H.