Le geste invite assurément à des décodages politiques. D'aucuns y verraient, plutôt à raison qu'à tort, une façon bien subtile de démentir l'assertion fort soutenue qui voudrait que le chef d'état-major de l'ANP, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, est guetté par la disgrâce dans le sillage de la chute de l'avant-dernier SG du FLN en date. Dimanche dernier, le Front de libération nationale (FLN) se fendait d'un communiqué dont l'objet et la substance sont pour le moins inhabituels. Le parti, qui vient de connaître une importante mue organique, avec l'éjection d'Amar Saâdani de son poste de secrétaire général, lors du récent comité central, et son remplacement séance tenante par Djamel Ould Abbes, a, en effet, salué les efforts "colossaux" de l'Armée nationale populaire dans la lutte contre le terrorisme. Ce geste, qui fait suite à la récupération en début de semaine d'un important lot d'armement à Adrar, n'aurait pas inspiré de commentaires si le FLN avait pour coutume de réagir aux opérations antiterroristes de l'ANP. Et, étant donné la conjoncture politique dans laquelle il intervient, il ne peut pas être interprété comme une simple coquetterie politicienne de Djamel Ould Abbes. Le geste invite assurément à des décodages politiques. D'aucuns y verraient, plutôt à raison qu'à tort, une façon bien subtile de démentir l'assertion fort soutenue qui voudrait que le chef d'état-major de l'ANP, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, est guetté par la disgrâce dans le sillage de la chute de l'avant-dernier SG du FLN en date. Au lendemain de la destitution d'Amar Saâdani, plusieurs médias ont soutenu avec une quasi-certitude que ce "coup d'état scientifique", pour reprendre le jargon qui sied le mieux à pareille situation, ne manquerait pas de faire d'autres victimes. Et d'entre ces dernières, bien évidemment, Ahmed Gaïd Salah, à qui la supputation médiatique et, ensuite, la vox populi, attribuent une velléité de lorgner la magistrature suprême. Une ambition, voire même un projet auquel Amar Saâdani aurait adhéré pleinement. Cette thèse est valablement soutenue, puisque l'affinité entre le chef d'état-major de l'ANP et l'ex-secrétaire général du FLN était telle que le premier s'est risqué à s'attirer les foudres de la critique en rendant le second, qui venait d'être installé à la tête du parti, destinataire d'une lettre de félicitations, commettant du coup l'immixtion de la grande muette, censée être neutre, dans la vie politique nationale. "Au frère Amar Saâdani, secrétaire général du parti du Front de libération nationale. Il m'est particulièrement agréable de présenter, à votre honorable personne, mes plus sincères félicitations et mes meilleurs vœux de santé et de prospérité, à l'occasion de votre plébiscite, à l'unanimité, comme secrétaire général du parti du Front de libération nationale et prie Dieu le Tout-Puissant de vous prêter son assistance et sa bénédiction pour la réussite de votre colossale entreprise et vos efforts considérables et dont a grandement besoin l'Algérie des chouhada et du sacrifice", avait écrit Gaïd Salah dans sa missive à Amar Saâdani. La relation entre les deux hommes, facilitée par l'affinité régionaliste, aurait mu, au fil des mois, en un vrai projet politique : préparer la mécanique qui permettrait d'accéder à la magistrature suprême le moment venu, à l'échéance de 2019, sinon, éventuellement, avant en cas d'élection présidentielle anticipée. Ce qui préfigurerait d'une situation ressemblant par nombre d'aspects à celle qui a prévalu à la veille de l'élection présidentielle, soit en 2004, lorsque le chef d'état-major de l'ANP de l'époque, feu Mohamed Lamari, s'était ouvertement prononcé contre le deuxième mandat consécutif pour le président Bouteflika. À la différence notable, cependant, que Gaïd Salah ne serait pas seulement opposé à un renouvellement de bail pour la cinquième fois de suite pour Bouteflika, mais serait également lui-même intéressé par lui succéder. Cette ambition prêtée à Gaïd Salah n'existe pas que dans les imaginaires des observateurs de la scène politique algérienne. Beaucoup de faits plaident pour sa vraisemblance, à commencer par le retranchement subi du chef d'état-major de devant les feux de la rampe depuis le retrait de l'intendance du FLN à Amar Saâdani. Ici et ailleurs, l'idée d'un froid entre la présidence de la République et les Tagarins a été mise en avant. Certains, plutôt ailleurs qu'ici, ont même osé l'extrapolation jusqu'à supposer une rivalité entre le cercle de décideurs appelé "clan présidentiel" et l'institution militaire, représentée par l'état-major, appuyée par le parti FLN version Saâdani. La nomination de Djamel Ould Abbes à la tête du FLN signifie, pour les observateurs les plus perspicaces, le rappel du parti dans le giron du cercle présidentiel et sa (re)mise au service de Bouteflika. Ce qui laisse supposer une altération de la relation entre le parti FLN et l'état-major de l'ANP. C'est cette lecture, qui ne manquera certainement d'être faite, que la nouvelle direction du FLN anticipe d'évacuer et, partant, éviter que ne s'épaississent les supputations autour du conflit entre la présidence de la République et l'état-major de l'ANP. Sofiane Aït Iflis