"Au lieu de supprimer la retraite anticipée, les autorités feraient mieux de trouver un mécanisme qui permette à la Caisse nationale des retraites de récupérer les quelque 200 milliards de dinars, le montant des cotisations non recouvrées des 5 millions de travailleurs non déclarés", a affirmé le député du PT. Les députés de l'opposition qui s'étaient présentés, hier, à l'hémicycle pour participer au débat sur le projet de loi sur le système de la retraite, alors que plusieurs de leurs collègues avaient préféré se joindre au rassemblement des travailleurs qui a eu lieu aux alentours du siège de l'Assemblée populaire nationale, ont, à leur tour, vite quitté la plénière, en guise de protestation contre le texte soumis aux palabres parlementaires. Un texte qu'ils contestent dans la forme et dans le fond. En effet, les élus des partis islamistes, réunis au sein du groupe parlementaire de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV), ceux du Front des forces socialistes (FFS) et ceux du Parti des travailleurs (PT) ont tout juste assisté à la présentation du projet de loi par le ministre du Travail, avant de se rebeller contre le rapport préliminaire préparé par la commission de la santé et des affaires sociales, du travail et de la formation professionnelle. Un rapport, dénoncent-ils, établi en l'absence de plusieurs membres de la commission. "La commission a finalisé ce rapport préliminaire en l'absence de la majorité des députés qui devaient prendre part à sa préparation. Donc, nous refusons de cautionner une telle démarche", a accusé le chef du groupe parlementaire de l'AAV, Abderrahmane Benferhat, à sa sortie de l'hémicycle en compagnie de l'ensemble de ses collègues et des élus du FFS et du PT, tous opposés à ce rapport qu'ils qualifient "d'illégal". Visiblement très en colère, le même élu a dénoncé, par ailleurs, l'empêchement par la police du rassemblement prévu devant le siège de l'Assemblée à l'appel des syndicats autonomes. "Il n'est pas possible pour nous d'assister et encore moins d'écouter la lecture de ce rapport faussé, pendant que des travailleurs, des élus et des citoyens de tous bords sont empêchés de tenir un rassemblement pacifique pour exprimer leur refus de la suppression du système de la retraite anticipée, une revendication légitime que nous soutenons. Aussi, nous tenons à exprimer notre entière solidarité avec les travailleurs", a-t-il tonné. Même son de cloche chez Chafaâ Bouïche, chef du groupe parlementaire du FFS, qui a dénoncé "le faux débat ouvert à l'APN sur la réforme de la retraite méprisante pour les travailleurs et le peuple en général". L'élu du FFS est d'autant plus en colère que l'Assemblée soit mise "sous embargo de la police" pour empêcher les opposants à cette réforme de s'y approcher. Aussi, accuse-t-il ses "collègues", issus de la majorité parlementaire (FLN-RND), d'avoir porté atteinte à tous les symboles de la nation en acceptant de cautionner ce faux débat engagé en plénière pendant que des travailleurs sont malmenés à quelques encablures du siège de l'Assemblée. "Honte à vous !", s'écrie-t-il, non sans affirmer le soutien entier de son parti à la revendication du monde du travail, à savoir le maintien du départ à la retraite anticipée et/ou proportionnelle. À son tour, Ramdane Taâzibt, vice-chef du groupe parlementaire du PT, a qualifié la réforme du système de la retraite proposée par le gouvernement de "bêtise". "Nous sommes vraiment surpris de découvrir cette réforme à la fois brutale, inutile et provocatrice. Cela dénote, on ne peut mieux, du manque flagrant d'intelligence chez les décideurs et donc les concepteurs de cette réforme", a-t-il accusé. Pour l'élu du PT, au lieu de supprimer la retraite anticipée, les autorités feraient mieux de trouver un mécanisme qui permette à la Caisse nationale des retraites de récupérer les quelque "200 milliards de dinars", le montant des cotisations non recouvrées des "5 millions" de travailleurs non déclarés. Selon lui, la suppression des départs anticipés à la retraite est inutile dans notre pays où la population est composée de "75%" de jeunes qui, de surcroît, arrivent souvent tardivement dans le monde du travail. M. Taâzibt, qui a dénoncé, par ailleurs, la marginalisation des syndicats autonomes et des spécialistes du monde du travail, s'est interrogé "pourquoi le pouvoir a peur d'ouvrir un débat sur la réforme du système de la retraite ?" À ce rythme, M. Taâzibt n'écarte pas une explosion sociale qui menacerait la stabilité du pays. Le représentant du PT n'a pas manqué de s'en prendre aux députés qui "font abstraction de la revendication des centaines, voire des millions de travailleurs". "C'est une honte que de voir des députés tourner le dos à ceux-là mêmes qui les ont élus", regrette-t-il. Ce qui, prévient-il, pourrait, d'ailleurs, se répercuter négativement sur les prochaines élections législatives. Il n'écarte pas à ce titre un "taux d'abstention record". Le débat sur cette réforme de la retraite, qui se poursuivra aujourd'hui et demain, s'annonce pour le moins chaud. Farid Abdeladim